Après Berlin et Bilbao, Venise sera le troisième siège européen de la Fondation Guggenheim de New York. Onze ans après les premiers contacts, le projet de Musée Guggenheim d’art moderne et contemporain prévu à la Pointe de la Douane arrive enfin à bon port. Mais les délais de réalisation et les modalités de gestion sont encore incertains.
VENISE (de notre correspondante) - L’ancienne Douane de Mer, un bâtiment d’une surface de 3 500 m2 construit sur la ligne de partage des eaux entre le Grand Canal et celui de la Giudecca, est la propriété du ministère des Finances qui en occupe une partie. C’est justement le transfert de ces bureaux, auquel le personnel était farouchement opposé, qui a ralenti pendant des années le projet d’ouverture d’un Musée Guggenheim d’art moderne et contemporain à Venise. Le 29 mai 1997, un accord intervenu entre le ministère, l’administration portuaire et la municipalité de Venise avait enfin permis de trouver de nouveaux locaux dans un bâtiment de Porto Marghera, qui sera prêt d’ici la fin 2000. Près de deux ans plus tard, le ministère des Finances a accordé à la municipalité la concession à titre gratuit de l’immeuble de la Douane pour 99 ans, “sous réserve de la présentation d’un projet de réhabilitation”. C’était la condition préalable pour que la municipalité puisse signer avec la Fondation Guggenheim une convention lui permettant d’utiliser ces espaces. Scellé le 2 novembre, l’accord a été solennellement entériné le 9 décembre, au cours d’une conférence de presse. Mais les délais, le coût de la restauration et les modalités de gestion du Musée Guggenheim de Venise sont encore vagues.
Un délai de trois ans semble une prévision raisonnable. Il existe pour l’instant un avant-projet, comme l’a lui-même qualifié l’architecte Vittorio Gregotti qui a été choisi par la Fondation Guggenheim. Il s’agira d’une restauration légère, afin de restituer à l’édifice sa typologie d’origine en salons, six en tout, actuellement indiscernables en raison des cloisonnements existants et de la division en deux étages de ce qui n’en faisait qu’un seul. Dans cette optique, les anciens plafonds à chevrons seront mis au jour et les murs en briques apparentes reconstitués. Le clou de la restauration sera la terrasse panoramique de 500 m2 autour de la pointe du bâtiment, que surplombent deux Atlantes soutenant la sphère dorée de la statue de la Fortune.
Il faudra attendre le mois de juin pour le projet définitif. De celui-ci dépend l’établissement du budget, qui devrait avoisiner les 24 milliards de lires (plus de 81 millions de francs). Thomas Krens, directeur de la Fondation Guggenheim, a annoncé qu’une campagne sera lancée pour recueillir des fonds. Il semblerait, mais cela n’est pas apparu clairement lors de la conférence de presse, que le coût de la restauration soit à la charge de la Fondation. Et il subsiste encore un problème : une partie non négligeable du bâtiment (2 000 m2) est la propriété du Séminaire patriarcal avec lequel des pourparlers sont en cours.
Un projet mixte
La gestion du musée sera confiée à une commission paritaire Municipalité-Fondation. Un directeur sera probablement nommé, mais le plus grand secret entoure son nom, même si, dans les milieux bien informés, celui de Germano Celant est cité avec insistance. Si le nouveau musée entre dans le vaste circuit européen de la Fondation Guggenheim, ses ambitions vont au-delà. Le but est d’attirer l’attention des collectionneurs, si ce n’est pour des dons, tout au moins pour des prêts temporaires à long terme, comme la collection Mattioli au Musée Peggy Guggenheim. Il est cependant difficile de tabler sur la coexistence d’expositions permanentes et de manifestations temporaires : les espaces sont vastes mais pas immenses. Quant aux expositions, la municipalité se réserve la jouissance du musée pendant quatre mois tous les deux ans. Il faut enfin souligner que les deux universités de Venise ont adhéré au projet et organiseront des cours de formation sur la gestion des biens culturels, la conservation des œuvres d’art contemporain et l’économie de l’art. Une grande absente, pour l’instant : la Biennale de Venise.
Les ambitions de la Fondation Solomon R. Guggenheim ne semblent plus se limiter à l’Europe. L’ouverture d’un nouveau musée en Australie, près de Melbourne, est actuellement en gestation. Le projet est comparable à ceux de Bilbao et Berlin : un lieu exceptionnel, une source externe de financement, un grand espace d’exposition et une collection en rotation provenant des réserves du Guggenheim, le tout en échange d’une somme substantielle. La Fondation pourrait bientôt être présente sur quatre continents, puisque la création d’une antenne au Brésil, principalement financée par la Lufthansa, est à l’étude. Quant au musée de New York, il attend le nouveau bâtiment “à usage mixte�? conçu par Frank Gehry. Implanté au sud de Wall Street, sur l’East River, il comprendra 45 étages de bureaux et des chambres d’hôtel. Toutefois, la Fondation n’a pas encore obtenu de permis de construire. Peter Lewis, fondateur de la compagnie d’assurances Progressive Company, devrait apporter la majeure partie des 800 millions de dollars (environ 5 milliards de francs) du projet.
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Le troisième Guggenheim européen sera à Venise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°98 du 4 février 2000, avec le titre suivant : Le troisième Guggenheim européen sera à Venise