PARIS
Le parcours du nouveau Musée Yves Saint Laurent, à Paris, invite le visiteur à pénétrer le studio du créateur. Une reconstitution qui fait revivre l’intensité de la création d’une maison, sans culte de la relique.
On s’attendrait presque à le voir surgir à tout instant, par la discrète porte blanche nichée entre l’immense miroir et son bureau. Sa blouse immaculée drape encore nonchalamment le dossier de sa chaise, ses lunettes sont posées sur la table de travail, comme s’il venait tout juste de les déchausser, tandis qu’une armada de crayons, parfaitement taillés, semble attendre que leur propriétaire revienne tracer un ultime croquis. Même la gamelle de Moujik, son fidèle bouledogue français, est toujours à sa place, aux pieds de son maître.
Depuis quinze ans, rien ou presque n’a en effet changé dans le studio d’Yves Saint Laurent, le cœur battant de la mythique maison de haute couture sise 5, avenue Marceau. Sa table de travail, sa dense bibliothèque et le mur d’images situé derrière son bureau sont ainsi restés tels que le couturier les a laissés quand il a mis un terme à sa carrière en 2002. Contre toute attente, cet immense amateur d’art et collectionneur n’officiait pas sur un bureau estampillé par un grand ébéniste, mais sur un modeste plateau blanc fixé sur deux tréteaux de bois clair.
D’ailleurs, à l’exception de ses nombreux livres d’art, d’un portrait de Bernard Buffet et de quelques reproductions de tableaux, on ne trouve pas d’œuvres d’art ici. « Sa collection était conservée à son domicile, rue de Babylone, il était littéralement entouré d’œuvres ; mais ici c’était un lieu de travail », explique Aurélie Samuel, directrice des collections. « Les objets qu’il conservait dans cette pièce avaient davantage une valeur sentimentale. Il s’agit de sortes de talismans qu’il avait besoin d’avoir auprès de lui pour créer. » De nature superstitieuse, Yves Saint Laurent aimait notamment être environné de quantité de pierres, auxquelles il conférait des pouvoirs apotropaïques, mais aussi d’objets porte-bonheur comme ce petit bouquet de blé accroché dans son dos. Plusieurs bibelots évoquant le lion, son signe astrologique, figurent également sur sa table.
Autre talisman, la canne de Monsieur Dior trône fièrement sur son bureau, collée tout contre son mètre, une autre pièce symbolique. Derrière sa table, le mur de photographies et de reproductions en tous genres constitue une sorte de panthéon personnel. Y sont réunies des personnalités que le couturier affectionnait particulièrement – comme Françoise Giroud et Proust –, mais aussi des personnes dont il a été proche, à l’instar de Catherine Deneuve. Malgré l’abondance d’effets personnels et de pièces à connotation intime, le studio évite toutefois l’écueil de sombrer dans le mémorial. Le saint des saints de la maison de couture évoque ainsi plutôt une ruche.
On ne vient pas ici pour effectuer un pèlerinage autour de ces reliques de la mode, mais pour ressentir l’intense activité d’une maison lors de la préparation d’une collection. L’effervescence est en effet le maître mot de l’esprit des lieux, et ce en grande partie grâce à l’évocation du travail de ses collaborateurs.
Si la table de travail d’Yves Saint Laurent et l’aménagement général du studio sont restés tels quels depuis 2002, un élément fondamental avait en revanche disparu : la table des collaborateurs. Elle a été reconstituée grâce aux indications des anciens employés et en puisant dans les archives fleuves de la maison qui comptent quelque 35 000 numéros. La table d’origine a ainsi été garnie d’une masse de dessins, de créations, de photographies et d’objets disparates qui racontent fidèlement le fonctionnement collégial de la maison de couture et l’excitation qui régnait entre ces murs. Des dessins de bijoux, des modèles de gants ou encore de sacs, ainsi que des sparteries mais aussi des créations abouties recouvrent ainsi la table dans un joyeux désordre et évoquent l’activité des différentes mains du studio. Notamment la figure de Loulou de la Falaise identifiable à sa planche de strass.Fait inédit, Yves Saint Laurent et son compagnon Pierre Bergé ont en effet conservé une quantité impressionnante d’archives depuis 1964, c’est-à-dire dès le tout début de l’aventure de la marque. Il était extrêmement rare à l’époque de préserver pour la postérité toutes les pièces relatant le processus créatif. A fortiori de manière aussi systématique que l’a fait le tandem. Grâce à cette patrimonialisation très précoce, le musée conserve notamment un nombre impressionnant de prototypes, c’est-à-dire les vêtements dessinés par YSL, réalisés sous sa supervision et qui n’ont été portés qu’une seule fois, le jour du défilé. Ces différents facteurs expliquent leur parfait état de conservation et leur grande unité de taille.
En outre, ces prototypes sont accompagnés de quantité d’éléments qui racontent les différentes étapes de création. Notamment les dessins, les planches de collection et de nombreux échantillons de tissus et de broderies. Sur la table du studio sont par ailleurs visibles plusieurs fac-similés reproduisant des fiches d’atelier, surnommées les « bibles ». Un terme qui ne laisse guère de doute sur l’importance que leur conféraient déjà les employés de la maison.
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Le studio retrouvé d’Yves Saint Laurent
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Abonnez-vous dès 1 €Musée Yves Saint Laurent, parcours inaugural, jusqu’au 9 septembre 2018. 5, avenue Marceau, Paris-16e. Ouvert du mardi au dimanche de 11 h à 18 h, jusqu’à 21 h le vendredi. Tarifs : 10 et 7 €. museeyslparis.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°706 du 1 novembre 2017, avec le titre suivant : Le studio retrouvé d’Yves Saint Laurent