La prise du nord du Mali par des rebelles fondamentalistes pourrait avoir des conséquences dramatiques pour le patrimoine culturel du pays. La ville de Tombouctou, ancienne capitale intellectuelle et spirituelle de l’Ouest africain, la ville ancienne de Djenné, les falaises de Bandiagara et le tombeau des Askia font partie des sites en péril.
TOMBOUCTOU - Le 4 mai, les craintes sont devenues réalité, après que des groupes fondamentalistes ont profané le mausolée d’un saint soufi dans la ville de Tombouctou, au nord du Mali. La porte de l’édifice aurait été incendiée. Depuis le début du mois d’avril, la région est aux mains de plusieurs groupes rebelles touaregs, notamment des islamistes armés d’Ansar Dine et d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Si cette occupation s’accompagne de drames humanitaires, elle suscite aussi une très vive inquiétude relativement au patrimoine culturel millénaire malien. Des informations, encore difficiles à confirmer, ont notamment fait état du pillage de documents et manuscrits médiévaux de l’Institut des hautes études de recherches islamiques Ahmed-Baba (Iheri-AB) de Tombouctou, recelant des trésors du XIIe au XVe siècle, et dont la plupart n’ont pas encore été étudiés. Un nouvel édifice, financé par l’Afrique du Sud, y a été inauguré en 2009 dans le cadre d’un accord bilatéral destiné à favoriser la conservation de ces archives uniques au monde. Il serait aujourd’hui surveillé par le groupe Ansar Dine. Mohamed Diagayété, responsable de l’Institut Ahmed-Baba, nous a confirmé par courriel le 31 mai que les manuscrits n’étaient pour l’heure pas touchés.
Dès le 14 mai, après quarante-quatre jours d’occupation, des intellectuels de la ville lançaient un « appel de Tombouctou » : « Sur chaque mausolée de Tombouctou est braquée une roquette ; Sur chaque mosquée de Tombouctou est dirigé un canon ; Sur chaque site de Tombouctou plane une bombe », écrivaient-ils alors pour alerter la communauté internationale. Dans un communiqué diffusé le 23 mai, les institutions spécialisées et professionnels du patrimoine africain, relayés par l’École du patrimoine africain (EPA), établie à Porto-Novo au Bénin, publiaient à leur tour un communiqué alarmiste. Tombouctou, ancienne capitale intellectuelle et spirituelle de l’Ouest africain, surnommée « la cité des 333 saints », et sa région, recèlent en effet un très riche patrimoine : manuscrits anciens, édifices de terre, terres cuites du delta intérieur du Niger. « Autant d’exemples qui signent les traditions séculaires qui ont forgé l’histoire des grands empires du Sahel à la savane », précise le communiqué de Porto-Novo.
Risque d’un marché de l’art parallèle
Outre le centre historique de Tombouctou, trois autres sites sont également inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’humanité : la ville ancienne de Djenné, les falaises de Bandiagara, en pays dogon, et le tombeau des Askia, à Gao. De quoi susciter l’inquiétude de l’Unesco. « Cette profanation marque une aggravation très préoccupante des attaques sur le patrimoine malien, déjà fortement menacé au cours des dernières semaines. J’en appelle à toutes les parties impliquées pour qu’elles assurent sans délai la protection de ce bien du patrimoine mondial, essentiel à la préservation de la riche culture malienne, et relevant du patrimoine indivisible de l’humanité », déclarait ainsi Irina Bokova, sa secrétaire générale. Les pays voisins du Mali ont ainsi été exhortés à appliquer la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (La Haye, 1954) et à prendre des mesures pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels. Un afflux de pièces pourrait en effet alimenter prochainement les circuits parallèles du marché de l’art.
À la suite de la venue sur place d’émissaires de l’Unesco, le gouvernement du Mali a annoncé qu’il demanderait l’inscription des sites de Tombouctou et du tombeau des Askia sur la Liste du patrimoine en péril de l’organisation internationale, lors de la prochaine session du Comité du patrimoine mondial. L’Unesco devrait quant à elle présenter un rapport détaillé sur l’état de conservation des sites du patrimoine mondial au Mali. Mais pour l’heure, l’incertitude sur la réalité des déprédations demeure.
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Le patrimoine malien en danger
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°371 du 8 juin 2012, avec le titre suivant : Le patrimoine malien en danger