Légumes du marché de Lausanne, pêche du lac Léman et crus de la région composent une carte ingénieuse et créative, élaborée au fil des saisons.
Éclairé par la haute baie vitrée ouvrant sur l’artère piétonne de Plateforme 10 (qui rassemble les musées de Lausanne), la salle lumineuse du Nabi est organisée autour d’un vaste comptoir rectangulaire. Là sont disposés, sous cloche, les desserts du jour (tatin généreuse, tarte aux poires fondante, cheesecake aérien…). Le mobilier, noir ébène, est fonctionnel. De fines guirlandes de fruits et de fleurs séchées pendent du plafond, tandis que sur les tables se dressent des ikebanas champêtres fichés dans des socles cubiques. Sur le mur du fond, une fresque textile (Les Fleurs de feu, Laure Marville, 2021) flamboie comme un grand soleil, ses ondes radieuses se mêlant dans l’air aux arômes du gingembre frais dont le jus est extrait pour concocter des boissons chaudes et froides.
Le Nabi est passionnément local, avec un fort tropisme végétarien. Tous les produits sont issus de la région, en provenance de fermes des contreforts du Jura ou de producteurs présents au marché de Lausanne. La pêche vient du Léman (comme cet omble délicat marbré aux trois carottes, relevé par un caviar de moutarde), les bières artisanales de brasseries régionales, les vins, des vignobles des environs. La carte, élaborée au fil des saisons et de l’inspiration de l’équipe – organisée selon un modèle horizontal, très suisse – témoigne d’une créativité ingénieuse et met en valeur les légumes : betterave en croûte de noisette, sauce pomme et raifort servie avec un bol de riz des prairies ; millefeuille de céleri et sa gelée de poire ; mosaïque de poireaux à l’algue nori… Les assiettes sont belles comme des tableaux.
En se fixant pour cadre les contraintes d’une éthique rigoureuse (on préfère, ici, le verjus, obtenu à partir de raisins verts, au citron, et le café d’orge au décaféiné chimique), cet adhérent du mouvement Slow Food pratique une bistronomie condamnée à une extrême inventivité. Il en résulte l’impression jubilatoire d’une liberté gagnée chaque jour, d’autant que cette cuisine engagée n’oublie pas de parler à nos sens – à la fois riche en saveurs et en nutriments. Que l’on soit gourmand ou gourmet, on sort de table tout étonné et conquis par ce défi quotidien relevé avec une douceur inflexible.
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Le Nabi, une table d’avant-garde
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°773 du 1 mars 2024, avec le titre suivant : Le Nabi, une table d’avant-garde