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Le Musée du Proche-Orient dans les starting-blocks

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 27 juin 2024 - 860 mots

Évoquée depuis 60 ans, l’ambition d’ouvrir un musée de l’Orient antique à Strasbourg n’a jamais été aussi proche de sa concrétisation.

La Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. © Kent Wang.
La Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg.
© Kent Wang

Strasbourg. L’exposition « Mari », organisée à la Bibliothèque nationale universitaire (BNU) au printemps, faisait office de préfiguration de ce grand projet. Du 7 février au 26 mai dernier, le département des Antiquités orientales du Louvre avait délocalisé quelques pièces remarquables de ses collections à Strasbourg. Fruit du partenariat entre le musée parisien, la Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg et les universités strasbourgeoises, l’exposition consacrée à la ville de Mari (métropole du IIIe millénaire avant notre ère, dont les vestiges se situent au nord de la Syrie actuelle), préfigurait une collaboration plus importante encore : la création d’un musée du Proche-Orient ancien dans la ville alsacienne. Acté dès mai 2021 par le conseil d’administration de la BNU, ce projet entre dans une phase active avec l’exposition « Mari », ainsi qu’un cycle de conférences et une levée de fonds dans le cadre d’une opération baptisée « En attendant le musée ».

Une idée d’André Malraux

Ces derniers développements s’enracinent dans un projet ancien, dont les premières mentions datent de 1963. « Si l’on veut se trouver un parrain honorable, l’idée du musée remonte à André Malraux, explique Emmanuel Marine, directeur de la BNU et porteur du projet muséal. En raison de la vigueur de l’université dans le domaine du Proche-Orient ancien, il propose de déplacer les œuvres du Louvre à Strasbourg, dans la perspective de délocaliser le département des Antiquités orientales. Quand l’archéologue, André Parrot, devient directeur du Louvre, il appuie à nouveau cette idée. » La préfiguration du musée ira très loin, avec un projet muséographique abouti, puis un lieu trouvé dans l’ancienne faculté de pharmacie, lorsque le directeur des musées de Strasbourg, Jean Favière, assume à son tour ce grand dessein.

Au début des années 1980, c’est l’absence de financement qui a raison de ces plans ambitieux. Avec la réouverture de la BNU rénovée en 2014, puis le renouvellement d’un partenariat avec le Louvre en 2017, le contexte est favorable à la réapparition de cette vieille idée. La bibliothèque universitaire s’est alors dotée de réserves visitables, pour rendre accessibles ses collections, et notamment son important fond patrimonial. L’exploitation de ces salles s’avère être un casse-tête, et très vite un dépôt thématique d’une soixantaine de pièces du département des antiquités orientales du Louvre, renouvelé tous les trois ans, remplace la laborieuse rotation des documents anciens.

« Nous avons été obligés de repenser ce concept de réserves visitables, ce qui nous a amenés à réactiver le projet de musée, retrace Emmanuel Marine. La BNU apporte une garantie que les collections seront présentées dans nos locaux quoi qu’il arrive, jusqu’à ce qu’on trouve mieux. » Pour constituer les collections de cette future institution, celles de la BNU ne suffiront pas : un dépôt du Louvre devrait en constituer la colonne vertébrale, augmenté des nombreux fonds éparpillés dans les institutions universitaires et muséales de Strasbourg.

Pour ce parcours permanent, et les réserves tampons nécessaires à sa logistique, les besoins oscillent entre 3 000 et 5 000 mètres carrés. Au cœur du quartier universitaire, l’ancien Musée minéralogique pourrait répondre à ces besoins : « Nous avons tout intérêt à garder cette fenêtre muséale en centre-ville, à dialoguer avec d’autres institutions, estime Emmanuel Marine. Il y a également des pistes à l’étude avec la ville de Strasbourg. La construction d’un nouveau bâtiment serait une solution de tout dernier recours. » La question budgétaire s’est complexifiée entre la réactivation du projet, en 2021, et aujourd’hui : la BNU table sur la fin 2025 pour boucler son tour de table.

Un projet axé autour d’un contexte historique

Les intentions muséographiques du futur musée sont quant à elles mûries par le comité scientifique, qui travaille sur la question depuis 2021. L’exposition « Mari » en donnait un bon aperçu : de manière parallèle, ce parcours narrait l’histoire de la Cité antique et celle de sa découverte par les archéologues français depuis les années 1930. En face des pièces majeures venues du Louvre (comme le lion en cuivre retrouvé dans un temple de la ville), ce sont des rapports de fouilles d’André Parrot, des échanges diplomatiques, des relevés topographiques qui présentaient une aventure scientifique du XXe siècle. « On peut faire une histoire de la recherche qui éclaire l’histoire, ambitionne Emmanuel Marine. Le ressort principal du musée sera la raison d’être de ce centre universitaire entre France et Allemagne, la relation entre ces découvertes, le contexte historique dans une histoire coloniale. C’est aussi un projet de territoire, qui se rattache à une histoire scientifique locale bien vivante. En assyriologie, papyrologie, Strasbourg est très dynamique ; après les attentats de 2015, nous avons eu la création d’une chaire d’art de l’Islam. »

Avec un second partenariat conclu en 2021 avec le département des Arts de l’Islam du Louvre, les contours chronologiques du futur musée s’élargissent à un « Orient » global… terme que le directeur de la BNU souhaite toutefois éviter : « La perspective sera de montrer un espace aux contours flous, non pas dans son rapport complémentaire avec l’Europe, mais comme un centre d’échange qui a sa propre cohérence. Le définir comme “Orient”, c’est le voir depuis un certain point de vue ! »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°636 du 21 juin 2024, avec le titre suivant : Le Musée du Proche-Orient dans les starting-blocks

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