Le désormais « Grand Musée du Duomo », qui a bénéficié d’une refonte complète de ses espaces, se positionne comme un maillon essentiel du complexe formé autour de la cathédrale Santa Maria.
FLORENCE - « Si tu n’as pas vu cela, tu n’as pas vu Florence. » Le nouveau slogan du Museo dell’Opera del Duomo (ou Musée de l’Œuvre du Duomo de Florence) est révélateur de l’ambition affichée. L’institution, qui a rouvert le 29 octobre 2015 après deux ans et demi de travaux, entend clairement s’imposer comme un incontournable du paysage muséal florentin. Le défi est de taille. Jusqu’à présent, le musée n’était connu que d’un cénacle d’amateurs de sculpture. Avant la fermeture, ils étaient à peine 200 000 à pousser chaque année les portes de la vénérable maison fondée en 1891. C’est-à-dire dix fois moins qu’aux Offices, l’attraction phare de la capitale toscane. L’offre culturelle dans la cité des Médicis est en effet pléthorique ; les touristes ont le choix entre une vingtaine de musées, sans compter les nombreux cloîtres, villas et églises qui recèlent des trésors.
Dans ce contexte fort concurrentiel, le Musée de l’Œuvre du Duomo a pourtant une solide carte à jouer. La place du Duomo, où trône la cathédrale Santa Maria del Fiore de Florence, attire quelque 8 millions de visiteurs par an. La moitié d’entre eux pénètrent dans le Duomo, dont l’accès est gratuit. Et seulement 1,3 million de personnes acceptent de payer pour visiter ses espaces à péage : la coupole de Brunelleschi, le campanile de Giotto, la crypte Santa Reparata, sans oublier le baptistère Saint-Jean.
En 2013, dans la perspective du chantier de rénovation, la politique de communication du musée a été repensée afin de mettre en exergue le lien organique et la cohérence historique entre les édifices du complexe. « Pour traduire l’unicité de ce patrimoine, l’Œuvre du Duomo, la fondation qui gère l’intégralité des monuments et le musée, a décidé d’adopter un nom fédérateur pour regrouper les multiples sites », explique Ambra Nepi, attachée de presse de l’institution. La création de cette nouvelle entité baptisée « le Grand Musée du Duomo » s’est accompagnée de l’instauration d’un billet unique. Là où le touriste dépensait auparavant quelques euros pour chacun des lieux, il doit désormais débourser 15 euros pour un pass valable 24 heures. Cette stratégie destinée à positionner le musée comme un maillon primordial du complexe et à accroître sa visibilité s’est couplée à une campagne globale de valorisation. Les marbres multicolores des bâtiments ont été nettoyés, un nouveau parcours a été inauguré dans la crypte, tandis que le baptistère a été restauré.
Une véritable résurrection
Un chantier d’une telle envergure peut, de prime abord, sembler disproportionné pour un simple musée de site. La vocation première du Musée de l’Œuvre du Duomo était effectivement de conserver les pièces retirées des différents monuments de la place, pour des raisons de conservation ou d’évolution du goût. Soit un vaste corpus de sculptures monumentales, mais aussi un riche patrimoine mobilier constitué de pièces d’orfèvrerie, de panneaux peints, de tissus liturgiques et d’aménagements éphémères. Le tout réalisé par quelques-unes des plus belles signatures de la Botte : Arnolfo di Cambio, Andrea Pisano, Donatello, Verrocchio, Pollaiolo, Carrache, Della Robbia, sans oublier Ghiberti et Michel-Ange. En somme, il s’agit de la plus importante collection de sculpture florentine de la fin du Moyen-Âge et de la Renaissance.
Pour rendre ses lettres de noblesse à ce fonds insigne mais confidentiel, le musée a fait l’objet d’une refonte complète dont le budget s’élève à 45 millions d’euros, financés par les ressources propres de l’Œuvre du Duomo. Plus qu’une rénovation, c’est une véritable résurrection, pour le lieu autant que pour les œuvres. 200 pièces ont ainsi été restaurées, pour les plus prestigieuses d’entre elles – à l’instar de la Madeleine de Donatello ou des portes du baptistère –, par les équipes de l’Œuvre et par l’Opificio delle pietre dure. La surface d’exposition a quant à elle plus que doublé ; une gageure dans un centre-ville historique très protégé. « Nous avons eu la chance inouïe de pouvoir acquérir le bâtiment attenant, confesse Monseigneur Timothy Verdon, directeur du musée. Cet ancien théâtre transformé en garage ne possédait plus de qualité patrimoniale. Les architectes Natalini, Guicciardini et Magni ont donc pu totalement remodeler les volumes pour les adapter au nouveau parti pris muséographique. »
Un accrochage immersif et spectaculaire
La transformation est radicale : 5 500 m2 contre 2 500 et surtout des espaces enfin à la mesure des œuvres. La précédente enfilade de petites salles présentait deux inconvénients. Elle était inaccessible aux groupes et n’offrait pas les conditions adéquates pour apprécier pleinement les sculptures grandeur nature ni pour comprendre les liens visuels et conceptuels entre les divers programmes iconographiques. Le nouveau parcours propose désormais 25 salles sur trois niveaux, dont certaines présentent des dimensions colossales. Celle du Paradis, la plus saisissante, mesure par exemple 36 mètres de long pour 20 de haut et de large. Son accrochage immersif et spectaculaire donne le ton du nouvel esprit des lieux : « montrer davantage de pièces en offrant aux œuvres les espaces qu’elles méritent », résume le directeur. Soit de la hauteur, de la distance, des dialogues et une remise en contexte.
Cette salle est agencée autour de la reconstitution de l’ancienne façade du Duomo, démantelée en 1587. À partir d’un dessin d’époque, une maquette à l’échelle 1 a été recréée pour accueillir quarante statues. Des chefs-d’œuvre du Trecento et de la Première Renaissance conçus pour être admirés comme une œuvre d’art totale. Ce dispositif rétablit l’effet d’ensemble du corpus, tandis que le clair-obscur conféré par les niches fait chanter le marbre. Le reste du circuit de visite est à l’avenant. Il repose sur des ressorts spectaculaires, pédagogiques, notamment à l’aide d’une utilisation efficace du numérique, mais aussi émotionnels. La musique sacrée est ainsi présente dans plusieurs sections, et des salles intimistes tentent de ranimer la nature religieuse des objets. Si l’on peut discuter le caractère parfois trop poussé de sa scénographie, force est de constater que la maison pluriséculaire a su entrer de plain-pied dans le XXIe siècle avec un musée moderne au propos original.
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Le Musée du Duomo existe enfin
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Abonnez-vous dès 1 €Piazza del Duomo 9, Florence, www.ilgrandemuseodelduomo.it, horaires variables, entrée 15 €.
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Grand Musée du Duomo, présentation des portes du baptistères de Florence © Photo : Antonio Quattrone
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°449 du 22 janvier 2016, avec le titre suivant : Le Musée du Duomo existe enfin