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Au Musée de l’Œuvre du Duomo

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 15 décembre 2015 - 1258 mots

Le musée florentin, qui possède la plus riche collection de sculpture florentine de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance, dont la genèse remonte à la fin du XIIIe siècle, vient de rouvrir ses portes dans un parcours qui assume un parti pris narratif et spectaculaire.

Ce n’est pas lui faire injure que de rappeler que le Musée de l’Œuvre du Duomo n’est pas la plus célèbre institution florentine. Avant sa rénovation, l’établissement attirait à peine quelque 200 000 visiteurs par an. Ses espaces exigus, peu appropriés à la délectation et inaccessibles aux groupes, l’avaient relégué au second plan malgré un potentiel indéniable. Le musée peut en effet se targuer de posséder une collection exceptionnelle par sa richesse et sa cohérence historique. Son fonds se composant exclusivement d’œuvres créées pour les trois monuments de la place du Duomo. La cathédrale Santa Maria del Fiore, communément appelée Duomo, le baptistère Saint-Jean, qui lui fait face, et le campanile qui la jouxte. Avec sept cent cinquante œuvres, il s’agit purement et simplement du plus riche ensemble de sculptures florentines de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance.
La genèse des collections remonte à la construction du Duomo en 1296. La cité-État, une des plus puissantes de la Botte, veut alors frapper les esprits en bâtissant la plus grande cathédrale de la chrétienté. La commande passée à l’architecte-sculpteur Arnolfo di Cambio est sans équivoque, il doit dépasser en magnificence les cités rivales. Mission accomplie. À la fin des travaux le Duomo affiche des mensurations de rêve : 153 m de long pour 90 de haut et de large. En outre, alors que la sculpture est l’apanage du gothique français, l’édifice se dote d’une façade constellée de reliefs et de pièces en ronde-bosse. Des fleurons des XIVe et XVe siècles, dont une quinzaine de créations de di Cambio, y compris sa fameuse Madone aux yeux de verre.

Ce chantier hors norme voit ensuite rivaliser les vedettes du Quattrocento tels Nanni di Banco et Donatello. C’est ici qu’éclot la première Renaissance. En marge de cette entreprise colossale est également décidée l’érection d’un immense clocher, le campanile imaginé par Giotto. Lui aussi se pare de chefs-d’œuvre : cinquante-quatre reliefs réalisés essentiellement par Andrea Pisano surmontés de seize sculptures grandeur nature dont quatre de Donatello. L’ensemble compose un programme iconographique érudit où le beau est au service de la foi et de l’humanisme. Le baptistère, monument préexistant, bénéficie lui aussi de travaux d’embellissement dont ses iconiques portes. La façade du Duomo, jamais achevée, passe de mode au XVIe siècle. En 1587, le grand-duc Francesco Ier de Médicis la fait démonter pour en élever une nouvelle. Son projet ne se concrétise pas et, jusqu’à l’édification de la façade néo-gothique au XIXe, la ville se contente d’une paroi peinte en trompe-l’œil.

Un lifting après sept siècles
Dès le démantèlement de la façade, ses composantes sont conservées précautionneusement par l’Œuvre du Duomo. La fondation, instaurée par la République florentine en 1296 pour superviser la construction de la cathédrale, se voit progressivement assigner de nouvelles missions, dont la conservation de ce complexe et des œuvres retirées des édifices pour des raisons de conservation, mais aussi d’évolution de goût. Un patrimoine qu’elle valorise depuis 1891 dans son musée. Celui-ci s’implante face au Duomo dans le siège de l’Œuvre, bâti par Brunelleschi, qui fut aussi l’atelier où naquirent nombre de chefs-d’œuvre du musée. Aujourd’hui, il conserve les sculptures de la façade du Trecento, celles du campanile substituées par des copies, tout comme les portes du baptistère.
Outre la sculpture monumentale, il abrite le patrimoine mobilier conçu pour les monuments : des éléments du Trésor, des panneaux peints, ou encore des tissus dessinés entre autres par Pollaiuolo et Annibal Carrache. Autant d’atouts à valoriser qui expliquent l’ampleur des travaux engagés pour sa rénovation. Car, du haut de ses sept siècles, la vénérable vieille dame vient de s’offrir un lifting attendu : 45 millions d’euros, des surfaces d’exposition doublées et une muséographie repensée. Le nouveau musée affiche un parti pris résolument narratif et spectaculaire. Le circuit fait alterner des salles intimistes, réactivant la portée symbolique des œuvres, avec des espaces grandioses. Grâce à des percées architecturales, l’ensemble du parcours renoue les dialogues iconographiques perdus depuis des siècles entre les différents programmes, tout en mettant en évidence l’émulation entre les chantiers.

La salle la plus impressionnante est incontestablement celle du Paradis. Une maquette de l’ancienne façade y a été recréée à l’échelle 1 pour accueillir une quarantaine de sculptures. Ce dispositif placé face aux portes du baptistère permet d’apprécier le dialogue voulu entre les deux sites. S’il propose davantage de pièces, le mérite du nouveau parcours est surtout d’offrir les espaces idoines pour les admirer à leur juste mesure. Imaginées comme une œuvre totale, les différentes pièces avaient perdu un peu de leur âme dans la précédente présentation, qui les isolait. Ce nouvel agencement restitue l’incroyable présence physique des différents corpus et fait revivre la profusion lapidaire qui a bouleversé les observateurs de la Renaissance.

La coupole de Brunelleschi
Symbole de la ville, au même titre que le David, la coupole du Duomo est aussi un emblème de la Renaissance italienne. Dernier élément architectonique de la cathédrale, elle a été construite entre 1420 et 1436 par Filippo Brunelleschi. Une prouesse d’ingénierie qui continue encore d’impressionner les touristes autant que les experts. D’un diamètre de 45,5 m, la coupole culmine en effet à 90 m au niveau de la lanterne. Elle ne comporte pas d’armature, mais se compose de deux calottes de formes ogivales reliées entre elles. Le musée a le privilège de conserver les maquettes présentées par Brunelleschi au concours lancé en 1418 pour couvrir la croisée du transept. Il les met en scène dans une galerie consacrée à la construction de ce phare de l’architecture. Elles sont accompagnées, entre autres, d’une sélection d’outils utilisés sur ce chantier mythique et de dispositifs didactiques. Les différents éléments rassemblés ici tentent de percer les derniers mystères de ce projet révolutionnaire.

La Pietà de Michel-Ange
La pénultième œuvre de Michel-Ange, conçue pour sa tombe, a connu une histoire mouvementée. Au soir de sa vie, dans un geste de désespoir et de frustration, le génie tenta de la détruire à coup de marteau. Sauvée par des collaborateurs, l’œuvre fut installée plus tard dans le Duomo avant d’intégrer le musée dont elle est une pièce maîtresse. Sa valeur réside autant dans ses qualités plastiques que symboliques. Elle recèle en effet un autoportrait de son auteur qui a conféré ses traits à Nicodème..

Sainte Marie-Madeleine pénitente de Donatello
Chef-d’œuvre de la maturité de Donatello, la sculpture grandeur nature frappe par sa puissance narrative et expressive. Les longs cheveux de la sainte se confondent avec la peau de bête qui recouvre son corps décharné par des années de jeûne, tandis que son visage dégage un sentiment de paix. Réalisée pour le baptistère, la statue en bois y resta jusqu’en 1966, où elle fut endommagée par les inondations qui ravagèrent la ville. Elle vient de faire l’objet d’une remarquable campagne de restauration.

Porte nord du Baptistère de Lorenzo Ghiberti
Moins connue que la porte du Paradis, la porte Nord est la première créée par Ghiberti pour le baptistère. Retirée du monument et remplacée par une copie pour des raisons de conservation, elle a bénéficié d’une restauration fondamentale qui a mis au jour sa dorure d’origine et des détails perdus. Véritable morceau de bravoure, cette œuvre en bronze comporte 28 reliefs illustrant essentiellement la vie du Christ, mais aussi une frise végétale ponctuée de motifs animaliers d’une grande fraîcheur.

Musée de l’Œuvre du Duomo de Florence, piazza del Duomo 9, Florence (Italie), www.ilgrandemuseodelduomo.it

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°686 du 1 janvier 2016, avec le titre suivant : Au Musée de l’Œuvre du Duomo

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