Le musée new-yorkais a ouvert un bureau à Genève.Mais une antenne à l’étranger n’est pas à l’ordre du jour.
GENÈVE - Las Vegas, Atlanta, Bilbao et bientôt Abu Dhabi et l’Asie…, à l’image du Guggenheim, du Louvre ou du Centre Pompidou, les grands musées internationaux se sont engagés dans des missions d’expansion à l’étranger. La globalisation se conjugue sur le mode de la franchise ou du partenariat avec, dans le meilleur des cas, un bâtiment phare signé d’un architecte renommé. Fidèle à son fief de la 5e avenue à New York, le Metropolitan Museum of Art se démarque singulièrement de ces entreprises en prenant le parti de la discrétion. En mars dernier, l’éminente institution américaine a ouvert un bureau d’affaires internationales à Genève, placé sous la direction de Mahrukh Tarapor, responsable du département des expositions du Musée depuis plus de dix ans. Selon un communiqué, sa mission serait « d’étendre et promouvoir les relations cruciales avec les musées et les ministères de la Culture partout dans le monde ».
L’aimant Genève
La presse genevoise s’était empressée de relayer l’information, annoncée fièrement par le département suisse de l’Économie, de l’Emploi et des Affaires extérieures. Le rayonnement artistique et culturel d’une institution comme le Metropolitan manque cruellement à la cité des banques, mais il est peut-être trop tôt pour la ville de crier victoire. Il n’est ici question que d’un pied-à-terre : « J’avais besoin d’un bureau en Europe qui puisse être la parfaite continuation de mon bureau à Manhattan […], un endroit qui puisse me rendre la vie plus facile », explique Mahrukh Tarapor. Habituée des vols long-courriers vers l’Asie et le Moyen-Orient, la directrice passe ses journées à négocier le prêt d’œuvres d’art – le nombre de prêts s’élève à deux mille pièces par an –, mais aussi à organiser la circulation d’expositions estampillées « Metropolitan Museum of Art ». Rodée à l’art de la diplomatie, elle compte sur un réseau international de directeurs de musées, de conservateurs, de trustees, de collectionneurs privés, d’officiels gouvernementaux, de membres du clergé et même de bibliothécaires qui ne voyagent pas systématiquement aux États-Unis. C’est alors au Musée de se déplacer et de créer des passerelles. « Les négociations pour les prêts sont extrêmement complexes. Il est essentiel de gagner la confiance des gens, chose impossible à faire en une seule rencontre », justifie-t-elle.
Si ce quartier général à l’étranger avait pu « être n’importe où en Europe », le choix de Genève s’est apparemment fait selon les mêmes critères choisis par les structures internationales sur place comme l’Organisation des Nations unies (ONU) ou l’Organisation mondiale de la santé (OMS). « Londres et Paris étaient des options évidentes, mais nous avons déjà beaucoup de collaborateurs sur place. Il n’y avait pas grand-chose de nouveau à faire », explique-t-elle. De situation centrale en Europe et de nature cosmopolite et diplomatique, Genève est un « point de rencontre confortable », a fortiori en pays neutre. Depuis l’ouverture de son bureau dans le quartier des hôtels de luxe, au bord du Lac Léman, la directrice a pu y rencontrer de vieux amis, trustees et collectionneurs venus reprendre contact, mais aussi de nouvelles têtes, comme des ambassadeurs, des banquiers, des responsables d’organisations et d’institutions culturelles dont une Croate venue en émissaire réclamer de l’aide pour les musées de son pays.
Trop de musées
Hormis l’établissement de ces nouveaux liens, le principal projet de Mahrukh Tarapor à ce jour est la réorganisation au sein du Musée des galeries dédiées aux arts de l’Islam. Donner une vision nouvelle des multiples facettes de la culture islamique est un défi qui nécessite un dialogue avec des spécialistes. « J’aimerais inviter des collègues de Riad, de Bahreïn, du Koweït ou du Liban à Genève pour rencontrer nos conservateurs qui leur expliqueraient leurs projets […]. Ce bureau de Genève doit aussi servir de plateforme à tous les départements du musée », souhaite-t-elle. Autre dossier international sensible, la question épineuse des demandes de restitution par les autorités italiennes ou grecques reste du domaine du département juridique du Musée. « J’espère, en revanche, que notre directeur [Philippe de Montebello] pourra venir discuter en toute simplicité de ces questions avec cinq ou six journalistes européens ». La mission diplomatique de Mahrukh Tarapor se limite donc strictement au domaine scientifique : « Lever des fonds n’a jamais fait partie de mes responsabilités. Je ne me considère pas un seul instant comme un fundraiser ».
Une antenne du Metropolitan Museum of Art à l’étranger est-elle néanmoins envisageable à l’avenir ? « Il y a trop de musées ! Nous n’avons pas encore trouvé la formule idéale. Construire un nouveau bâtiment est très facile, mais créer un musée organique, recruter des équipes de conservateurs, établir un programme solide est plus dur à accomplir. Notre philosophie est d’envoyer des expositions, travailler avec des scientifiques, partager autant nos collections que possible et construire des passerelles », conclut-elle. « C’est la méthode Metropolitan ».
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Le Metropolitan en terres suisses
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°246 du 3 novembre 2006, avec le titre suivant : Le Metropolitan en terres suisses