MARSEILLE
Excentré et quelque peu oublié après quatre ans de travaux, le Musée d’art contemporain veut se faire une place dans l’écosystème muséal marseillais. Il est avant tout destiné au public local.
Marseille. Un musée d’art contemporain à Marseille ? On ne parle pas du Musée Cantini, ni du Fonds régional d’art contemporain (Frac Sud), mais bien de l’institution installée au cœur du tranquille 8e arrondissement depuis les années 1990. Le discret Musée d’art contemporain municipal (MAC) dispose pourtant d’une collection impressionnante : le nouveau directeur des musées de Marseille n’hésite pas à faire la comparaison avec Saint-Étienne ou Grenoble, les collections les plus renommées de la région. « Le Musée Cantini et le MAC réunis se hissent à la hauteur du Centre Pompidou ! », estime même Nicolas Misery. Mais les quatre longues années de fermeture pour travaux – pour un montant de 5 millions d’euros (dont 3 apportés par le Département des Bouches-du-Rhône) – n’ont pas aidé à sa notoriété. Alors que l’inauguration devait se faire lors de la Manifesta 13, à l’été 2020, elle n’intervient qu’aujourd’hui, presque trois ans plus tard – au lieu des dix mois initialement prévus –, pour cause de retard dans les études préalables et de découvertes de traces d’amiante.
L’équipe municipale du Printemps marseillais – coalition de gauche –, et l’adjoint à la Culture, Jean-Marc Coppola, qui ont depuis hérité de ce chantier, l’ont façonné selon leur politique culturelle : la « démocratie culturelle », le soutien à la création et l’appropriation du patrimoine par les habitants. « J’insiste beaucoup pour que les Marseillais se réapproprient l’art contemporain, explique l’élu. Ce ne sont pas que des œuvres pour les gens aisés. »
Cependant, l’emplacement du MAC nuit à cette ambition : dans un quartier cossu, loti dans les années 1970, l’adresse est confidentielle et mal desservie, tout juste signalée par un mur orangé, et par le Pouce de César qui trône au milieu du rond-point voisin. À l’inverse, le Musée Cantini a, lui, pignon sur rue, à deux pas de la rue Saint-Ferréol, l’hyper-centre marseillais et l’architecture bien particulière du Frac Sud est tout aussi localisable, tout près du port, au pied du métro Joliette.« La localisation a évidemment été un sujet débattu, admet Nicolas Misery, mais c’est aussi une chance que le MAC soit éloigné » : le directeur des musées de la ville y voit l’occasion de faire rayonner la politique culturelle sur les 240 km2 de la commune.
Pour attirer le public local et augmenter une fréquentation stagnant autour de 20 000 visiteurs par an, le MAC mise en partie sur l’événementiel. À l’image de son ouverture, le 7 avril, pensée de manière festive, en invitant artistes (comme le ballet national de Marseille) et Marseillais à célébrer ensemble la fin de ce long chantier. L’accueil traversant, dans lequel les roues à plumes de la première artiste invitée, Paola Pivi, ont pris place, s’ouvre sur l’entrée du boulevard d’Haïfa et sur le parc voisin, où quelques retraités jouent aux cartes autour d’une table. Les lieux rénovés autorisent aussi d’imaginer des partenariats ambitieux avec les nombreux festivals marseillais, grâce notamment à un rooftop.
Le premier accrochage insiste sur la notion de plaisir : « Un coffre à jouets, pour Nicolas Misery. On aurait pu en montrer moins, mais l’enjeu porte aussi sur cette notion de générosité. » Cela permet de rappeler au public le potentiel de cette collection : César, Simon Hantaï, Louise Bourgeois, Daniel Buren, Joseph Beuys, Christo… et même un grand Jean-Michel Basquiat – il ne manque pas grand-chose au fond marseillais pour raconter une histoire de l’art post-1968. C’est d’ailleurs la direction prise par cette « Parade » des collections, organisée autour d’un texte du critique italien Germano Celant qui tentait, il y a soixante ans, de trouver les lignes de force qui définissaient l’art contemporain. Avec son centre de documentation comportant 65 000 volumes et sa collection prestigieuse, le MAC veut offrir une « vision patrimonialisée de l’art contemporain », comme le rappelle Thierry Ollat, l’actuel directeur du musée sur le départ. D’ailleurs, le chantier a aussi concerné les collections : une cinquantaine d’œuvres ont été restaurées pour 300 000 euros, telle une grande sculpture de Jean Tinguely.
La rénovation menée par le Bureau Architecture Méditerranée a bénéficié aux neuf grandes travées qui composent la zone d’exposition. Les espaces triangulaires sous le toit ont été dégagés et les ouvertures en shed ont été réouvertes. Avec son sol en marbre, sa structure d’usine et sa lumière naturelle oblique, le bâtiment du Mac n’est pas un white cube aseptisé. L’étroitesse des travées autorise d’ailleurs un rapport rapproché avec les œuvres, accentué par une absence de balisage dans ce premier accrochage : « On veut que le visiteur avance librement », explique Nicolas Misery.
Avec le recrutement de Stéphanie Airaud pour diriger le musée à partir du mois de juillet, le MAC s’adjoint les services d’une professionnelle de l’action auprès des publics locaux et éloignés de la culture, qu’elle a menée au Mac/Val (Val-de-Marne). L’Éducation artistique et culturelle est aussi un pilier de ce Mac rénové, avec une salle spécialement dévolue aux rencontres entre les artistes, le public et les scolaires. À terme, le musée devrait aussi être un lieu de pratique artistique. « Le Mac doit aussi jouer un rôle dans l’émergence de nouveaux artistes », projette le directeur des musées marseillais. La « Parade » des collections confronte ainsi les grands noms de l’art contemporain à des artistes émergents, traçant les lignes d’une politique d’acquisition dont l’axe principal est le territoire méditerranéen. « Les acquisitions sont une volonté du maire, et de son adjoint aussi ! », annonce Jean-Marc Coppola.
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Le MAC veut conquérir le cœur des Marseillais
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°610 du 28 avril 2023, avec le titre suivant : Le MAC veut conquérir le cœur des Marseillais