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Le Lazaret Ollandini retourne dans le giron d’Ajaccio

Par Véronique Pierron · Le Journal des Arts

Le 10 août 2020 - 1056 mots

AJACCIO / CORSE

Classé à l’inventaire des monuments historiques en 1977, le lazaret Ollandini retourne dans le patrimoine de la Ville d’Ajaccio grâce à la donation des époux Ollandini, ses derniers propriétaires.

Vue du Lazaret Ollandini
Vue générale du Lazaret Ollandini.
© Lazaret Ollandini/Musée Marc Petit

Ajaccio (Corse). Une enceinte semi-circulaire couleur soleil prise en sandwich entre le ciel et la mer céruléenne du golfe d’Ajaccio. Dans l’allée qui ceint le bâtiment, les sculptures de Marc Petit ont pris vie pour l’éternité, un matin de 2004. Le Lazaret Ollandini raconte l’histoire de la Corse, celle qui est passée contemple la contemporaine comme un miroir d’eau. Cet ancien lieu de quarantaine construit en 1848, et transformé en lieu d’exposition d’art et d’événements culturels, a été cédé à la Ville d’Ajaccio par Marie-Jeanne et François Ollandini le 15 juin dernier. La valeur de cette donation en pleine propriété s’élève à 3,6 millions d’euros. Toutefois, la donation reste pour l’instant partielle et représente 2,52 millions d’euros au profit de la commune. L’accord signé entre la Ville et les donateurs leur permet, en effet, de conserver l’usufruit du lieu.

« La donation se fait en deux temps car les époux Ollandini vont continuer à vivre dans le Lazaret jusqu’à leur décès et à y poursuivre leurs activités culturelles, ce n’est qu’après que la Ville obtiendra la pleine propriété et pourra transformer le lieu en musée de la peinture corse », souligne Marie-Laure Mosconi, directrice des patrimoines de la Ville d’Ajaccio. La Ville devient propriétaire des murs et hérite aussi des peintures corses exposées dans les salles du Lazaret et des sculptures de Marc Petit conservées dans les espaces extérieurs. La valeur globale de ces œuvres est estimée à près de 700 000 euros. Le reste des collections de peintures contemporaines et autres objets d’art restent propriété de la famille. Ce n’est pas la première fois que François Ollandini mécène la Ville ; entre 2007 et 2009, il a fait don au Musée Fesch de 150 tableaux attribués pour la plupart à des peintres corses actifs au tournant du siècle dernier.

Le Lazaret, entre épidémies et collections d’art

Tout commence en 1774, lorsque les autorités françaises interdisent aux pêcheurs de remonter le corail fixé sur les rochers autour de l’île au prétexte qu’il s’épuise (déjà…). Les pêcheurs s’engagent alors dans la Compagnie royale d’Afrique qui pêche du corail en « Barbarie », comme on appelait alors les pays d’Afrique du Nord. À leur retour, ils doivent observer une quarantaine à Marseille, ou en Italie, à Livourne ou à Gênes, et réclament un lazaret sur l’île de Beauté. Les travaux ne commencent cependant qu’en 1843 pour s’achever en 1848.

Lorsqu’en 1996 François et Marie-Jeanne Ollandini visitent le lazaret proche de la ruine, c’est le coup de foudre. Pour ce collectionneur, l’endroit peut à la fois héberger ses centaines de livres, ses collections d’affiches et ses toiles de peintres corses. « J’ai commencé les collections d’affiches touristiques pour perpétuer la mémoire de mon père et raconter son entreprise de transport », explique François Ollandini. Il en fait don au Musée de la Corse (Corte) en 1998. Même démarche pour les peintres insulaires qu’il commence à collectionner au début des années 2000. Tout fonctionne au coup de cœur chez cet homme et, lorsqu’il acquiert pour la première fois en 1993 une sculpture de Marc Petit dans une galerie parisienne, il tombe amoureux de l’œuvre de l’artiste. « J’ai été ému et ravi par ces sculptures qui montrent toute la tristesse de la condition humaine », souligne-t-il.

En 2004, François Ollandini achète 8 sculptures, bien décidé à les exposer dans l’enceinte du lazaret. L’histoire d’amour s’est poursuivie dans le temps, et aujourd’hui ce sont 45 œuvres du sculpteur qui donnent un supplément d’âme au Lazaret.

1 % du prix des donations pour le donateur

« Les œuvres de Marc Petit resteront dans le Lazaret lorsque celui-ci deviendra le musée de la peinture corse pour lequel nous avons demandé une labellisation “Musée de France”, précise Marie-Laure Mosconi. Une salle sera consacrée à l’histoire du donateur et une autre au sculpteur pour montrer ses dessins et le travail d’élaboration d’une œuvre. » Cette donation s’intègre dans le vaste projet muséographique de la Ville d’Ajaccio. Ainsi, les peintures corses exposées dans le musée de l’hôtel de Ville et au Palais Fesch seront rapatriées dans le Lazaret. Les salles libérées de la mairie permettront la réalisation du « musée Napoléon » et celles du Palais seront occupées par des peintures du XIXe siècle. « Cet aménagement se fera grâce à un partenariat avec le Musée d’Orsay sur la base de prêts à court, moyen et long terme, explique Marie-Laure Mosconi. Le Palais Fesch détient déjà une vingtaine de peintures italiennes du XIXe siècle, c’est la plus complète chronologiquement après le Louvre. »

En échange de ses donations enfin, François Ollandini a négocié avec la Ville le versement d’une rémunération annuelle au couple équivalant à 1 % du prix du Lazaret et des œuvres d’art cédées. « Cela représente 3,5 millions d’euros pour le Lazaret, 500 000 euros pour les peintres corses et 1,5 million d’euros pour les œuvres de Marc Petit, soit environ 5,5 millions d’euros dont je demande 1 % tous les ans, 1 % qui restera au dernier en vie, indique François Ollandini. Cette somme nous permettra de protéger notre patrimoine car entretenir un lieu comme le Lazaret coûte aux alentours de 50 000 euros par an. »

Le fan-club de Marc Petit

François Ollandini n’est pas le seul à collectionner et promouvoir les sculptures de Marc Petit. L’artiste (né en 1961 à Saint-Céré dans le Lot) appartient à cette catégorie d’artistes qui ne sont pas dans les radars des Frac, des grands musées ou des journaux nationaux mais sont soutenus par un actif réseau de collectionneurs et de galeristes en régions. Ainsi l’industriel Jean-Claude Volot l’a plusieurs fois exposé dans le centre d’art qu’il a créé dans l’abbaye d’Auberive (Haute-Marne). Retiré de l’industrie aéronautique, Jean-Claude Beaudet a lui aussi ouvert un « espace permanent Marc-Petit » à Mimizan (Landes) : un parc littéralement rempli de près de 80 œuvres du sculpteur. Sa femme, Pascale, va plus loin et a créé l’Airial Galerie, un lieu d’exposition qui jouxte la propriété et défend avec conviction ses sculptures, « qui interpellent les visiteurs », aux côtés d’artistes comme Lydie Arickx ou Franta. Enthousiasmée par l’homme et son œuvre, elle s’est associée avec trois autres galeries pour créer le prix Marc-Petit, doté de 5 000 euros et d’une exposition organisée dans l’une des galeries, récompensant un jeune artiste.

 

Jean-Christophe Castelain

Airial Galerie,
61, rue de Galand, 40200 Mimizan.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°549 du 3 juillet 2020, avec le titre suivant : Le Lazaret Ollandini retourne dans le giron d’Ajaccio

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