TORONTO - Rouvert après rénovation depuis la mi-novembre 2008, le Musée des beaux-arts de l’Ontario, autrement nommé « Art Gallery of Ontario » (AGO), affiche de nouvelles ambitions par son redéploiement architectural et ses collections, mais aussi par son fonctionnement avec une participation privée très importante.
Retenir Frank Gehry pour la transformation architecturale revêt un double sens : outre ses réalisations en matière de musée, l’architecte est né à Toronto. Le projet consistait à concevoir une extension d’un bâtiment plutôt ingrat, en tout cas sans qualité architecturale. De cet exercice, avec ses contraintes budgétaires et techniques, Gehry et ses équipes ont su tirer parti en ajoutant un bloc à l’arrière du bâtiment, en travaillant les entrées de lumière et en rapportant en façade un volume vitré qui renouvelle brillamment la présence du musée dans le paysage de la ville. Ils ont travaillé les circulations dans un musée qui a tout d’un dédale, distribuant des collections très diverses : maquettes de marine, art des aborigènes, collections européennes (du baroque italien au surréalisme), collection de photographies, une importante section d’art graphique et des collections canadiennes, des premières nations aux contemporains. Un inventaire à donner le tournis, mais la visite autorise des parcours souvent prenants, que ponctuent des espaces monographiques (Henry Moore, David Milne) et des expositions temporaires sur quelque 12 000 mètres carrés.
Place à la lumière
Depuis l’entrée, par des passerelles et escaliers en bois subtilement dessinés, sans oublier l’ouverture à la lumière d’un grand volume central (la Walker Court), le travail de Frank Gehry donne une praticabilité nouvelle à l’espace. Il permet d’intégrer au parcours les salles dévolues au contemporain dans ce bloc au revêtement extérieur bleu de près de 45 mètres de haut et qui représente 9 000 mètres carrés. Ce nouvel axe du musée, s’il ne touche pas directement des installations comme la salle de spectacle, les lieux d’archive et de recherche ou encore les espaces pédagogiques, souligne l’orientation affirmée vers l’art contemporain. Présent dans les salles historiques par quelques confrontations ponctuelles, mais fines, celui-ci reste un moteur essentiel. Les niveaux quatre et cinq du nouveau bâtiment, consacrés depuis la réouverture à un accrochage des collections contemporaines, sont dédiés à la programmation d’expositions temporaires en parallèle à la programmation générale – après « Dada and Surrealism » cet été, la reprise actuelle de « Calder » récemment organisée au Centre Pompidou et même « Toutankhamon » (nov. 2009-avr. 2010). Quant à la programmation contemporaine, elle associe sous le titre un peu trop prometteur de « Beautiful fictions, photography at the AGO » une présentation de trois films de Mark Lewis, lauréat 2009 du prix Gershon-Iskowitz (du nom du peintre qui en a eu l’initiative) destiné aux artistes canadiens, et un ensemble de pièces photographiques majeures. Conçue par le conservateur responsable de l’art contemporain, David Moos, fils du galeriste torontois de renom Walter Moos, elle offre en une soixantaine de pièces une lecture de l’histoire du médium. Elle réunit des œuvres tant canadiennes et américaines (Michael Snow, Iain Baxter &, Jeff Wall, Cindy Sherman, Suzy Lake) qu’européennes (Günther Förg, Thomas Struth, Candida Höfer, Thomas Ruff). Elle est surtout nourrie pour une très large part d’une donation des collectionneurs torontois Vivian et David Campbell, soutiens très actifs de l’AGO puisqu’ils ont participé à hauteur de 5 millions de dollars canadiens (3,1 millions d’euros) à sa transformation.
Pour le projet d’extension comme pour l’enrichissement de la collection, le financement de l’AGO relève d’une participation communautaire, qui produit une toponymie qui se superpose à celle de l’histoire de l’art pour nommer les salles du musée. Ainsi de ce regroupement d’Italiens de l’Ontario qui donne son nom à la grande galerie de sculptures de la façade : la Galleria Italia, écrin à un magistral ensemble d’Arbres de Giuseppe Penone. Mais l’équipe de Matthew Teitelbaum, conservateur à l’AGO avant d’en devenir le directeur en 1998, n’est pas au bout de ses peines puisqu’elle n’a pu préserver l’ensemble des collaborateurs pourtant nécessaires à une telle institution. C’est bien le plus interminable des chantiers que celui d’une telle économie, même en des terres où elle est de tradition.
BEAUTIFUL FICTIONS, PHOTOGRAPHY AT THE AGO, jusqu’au 17 janvier 2010, Art Gallery of Ontario, 317 Dundas Street, Toronto, Ontario, tlj sauf lundi 10h-17h30, nocturne jusqu’à 20h30 le mercredi, www.ago.net
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L’AGO s’embellit en grandissant
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Abonnez-vous dès 1 €L’AGO EN CHANTIER, 2002-2008
Gain en surface : 9 000 m2, soit 47 % de la surface d’exposition
Coût : environ 175 millions d’euros
Participation de l’administration fédérale : env. 15 millions d’euros
Participation du gouvernement de la province : env. 25 millions d’euros
Contributions privées : 3 500 donateurs dont Kenneth & Marilyn Thomson pour env. 32 millions d’euros
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°311 du 16 octobre 2009, avec le titre suivant : L’AGO s’embellit en grandissant