TERVUREN / BELGIQUE
Les travaux d’aménagement de l’ancien Musée royal de l’Afrique centrale et sa nouvelle scénographie tentent d’assumer le passé colonial et d’intégrer les cultures africaines contemporaines…, non sans frictions.
Tervuren (Belgique).« Ce musée était parfois qualifié de “dernier musée colonial au monde” », rappelle le directeur du Musée royal de l’Afrique centrale, Guido Gryseels, pour justifier sa rénovation. Rebaptisé « Africa museum », le musée accueille les visiteurs par un couloir blanc en sous-sol qui relie le nouveau pavillon au bâtiment construit en 1910 par Charles Girault, architecte du Petit Palais à Paris. Entre le pavillon contemporain tout en verre et béton et l’ancien musée colonial, le contraste est fort, à l’image des contradictions qui entourent le musée. Le chantier, d’un coût de 66,5 millions d’euros et qui aura duré cinq ans, a permis de faire passer la surface du musée « de 6 000 à 11 000 mètres carrés », selon Guido Gryseels. Les activités commerciales (billetterie, restaurant, boutique) sont regroupées dans le nouveau pavillon qui comprend deux salles modulables destinées aux expositions temporaires.
L’enjeu de la rénovation se résume à la formule « décoloniser le musée », qui s’incarne dans la refonte complète du parcours permanent et de la scénographie, restés quasi inchangés depuis la fin des années 1950. Outre des thèmes attendus dans un musée d’ethnographie (la faune et la flore, les langues), le parcours réserve de petites salles à des thèmes spécifiques comme la rumba congolaise ou les archives photographiques du musée. Selon la commissaire, Bambi Ceuppens, le maître mot du parcours est : « colonisation », ceci« en guise de thématique transversale » et d’autocritique du musée sur son passé. Outre qu’une salle est consacrée à l’histoire coloniale du Congo, les textes de plusieurs salles signalent la propagande coloniale et les traces qu’elle a laissées dans l’architecture du bâtiment (sculptures, blason du roi Léopold II, cartes du Congo peintes sur les murs).
Le visiteur ressent pourtant des ruptures de ton d’une salle à l’autre, car la scénographie hésite entre musée d’ethnographie et musée de société. Cette scénographie a coûté 7,5 millions d’euros de rénovation, pour construire des plateformes, de nouvelles vitrines en complément des vitrines classées, et ajouter du multimédia. Ce type de support interactif fonctionne bien dans la salle consacrée aux langues et aux musiques, et dans celle des diasporas africaines. Les plates-formes au centre des galeries permettent une mise en espace dynamique des animaux naturalisés dans la galerie « Paysages et biodiversité » : le conservateur Didier Van den Spiegel explique avoir voulu « faire entrer le visiteur dans un diorama » plutôt que de le confronter à de vieilles vitrines poussiéreuses.
Une approche très différente est proposée dans la galerie « Art sans pareil », où sont exposés par roulement des chefs-d’œuvre des collections, dans des vitrines neuves savamment éclairées. Le conservateur chargé des collections ethnographiques, Julien Volper, explique : « Les pièces sont présentées pour leurs qualités esthétiques, et elles abordent la question de la beauté en Afrique et de la place de l’artiste. » Il s’agit d’un regard d’historien de l’art, rigoureux, mais qui contraste avec le reste du parcours par l’austérité de la scénographie. Au-delà de la volonté de décoloniser le musée, le parcours permanent manque donc d’un axe qui lui donnerait sa cohérence formelle.
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L’africa museum se veut un musée décolonisé
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°513 du 14 décembre 2018, avec le titre suivant : L’africa museum se veut un musée décolonisé