La villa E-1027 ouvre pour l’été

ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN - « C’est une ouverture au public encore expérimentale », explique Robert Jourdan, conservateur régional des Monuments historiques à la Drac Provence-Alpes-Côte d’azur. La villa E-1027, bâtie entre 1926 et 1929 par la décoratrice et designer irlandaise Eileen Gray avec la collaboration de son compagnon l’architecte Jean Badovici (qui a habité les lieux), a ouvert ses portes aux visites guidées début mai à Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes). L’occasion pour des petits groupes de découvrir cette maison de vacances blanche, juchée sur les hauteurs surplombant la Méditerranée, qui s’impose comme un chef-d’œuvre de l’architecture moderniste avec son ossature en béton, son plan libre et son toit-terrasse. Elle fut décorée entre 1938 et 1939 par des peintures très colorées signées Le Corbusier, au grand dam d’Eileen Gray dont « Corbu » n’avait pas sollicité l’avis. En 1999, après des années d’abandon et de squat, la villa, très endommagée, a été acquise par le Conservatoire du littoral (1) pour être restaurée sous le contrôle de la Drac, le bâtiment étant classé monument historique.

En cette journée ensoleillée de juin 2015, un parfum d’inachevé flotte dans la maison. Depuis la fin des travaux de gros œuvre en 2009 (lancés en 2007, lire le JdA n° 263, 7 juillet 2007) les ajustements ont été nombreux. Et ils « seront encore nombreux au cours des années à venir », annonce François Fouchier, délégué régional du Conservatoire du littoral.

Infiltration d’eau
Mené par l’architecte en chef des Monuments historiques Pierre-Antoine Gatier, le chantier n’est en effet pas venu à bout des problèmes d’infiltration d’eau causés par des points de faiblesse dans la conception de la villa qui pâtit aussi d’un environnement salin destructeur. Lors des orages, la villa est inondée par la terrasse, souffle-t-on. Les peintures murales du Corbusier – restaurées en 2009 – doivent faire l’objet de retouches, victimes de l’humidité. Et les menuiseries, qui n’ont pas été remplacées, selon le souhait de la Drac de maintenir le plus possible de matériaux existants, doivent être repeintes tous les ans. En arpentant les murs de la maison, le sentiment d’inachèvement persiste. Si certaines pièces ont été remeublées avec des lits, fauteuils, affiches aux messages humoristiques… d’autres sont vides.

Dans les années 1990, la villa  a été vidée de l’intégralité de son mobilier dessiné par Eileen Gray. Le choix a donc été fait de réaliser des copies en prenant modèle sur les photographies de la demeure datant de 1929. Ces copies plus ou moins fidèles apparaissent d’ailleurs dans le biopic consacré à la figure Eileen Gray The Price of Desire (2) qui a ressuscité à l’écran la villa E-1027 dans son jus et dont le tournage a permis de financer une partie du remeublement. « C’est un travail en cours, nous allons continuer à meubler la villa et refaire le mobilier exposé pour qu’il soit plus proche de l’original », explique Michael Likierman, le président de Cap moderne, association créée par le Conservatoire du littoral en septembre 2014 pour gérer le site. Ces chantiers seront pris à bras-le-corps en octobre lors de la fin de saison des visites. « Au cours des mois à venir, nous allons voir si les modalités de visites (trente personnes par jour séparées en deux groupes) sont bonnes et compatibles avec la conservation de l’endroit », explique François Fouchier. Par ailleurs un circuit incluant la visite du cabanon de Le Corbusier, bâti à proximité de la villa, doit être par ailleurs mis au point. Le petit bâtiment appartenant également au Conservatoire du littoral, achève présentement la réfection de son toit.