Inauguré en 1986 dans le pavillon de Marsan du Louvre, le Musée de la mode et du textile a migré vers l’est du palais pour s’installer dans l’aile de Rohan, cédée par l’État à l’Union centrale des arts décoratifs dans le cadre de l’opération \"Grand Louvre\". En remplacement de ses précédents espaces labyrinthiques, il dispose désormais de deux élégantes galeries d’une superficie totale de 1 355 m2, où est présentée la première de ses expositions semi-permanentes, \"Géométrie du corps, de la coupe et du motif\".
PARIS. Passé le vestibule, le visiteur du nouveau Musée de la mode et du textile tombe nez à nez avec une combinaison technowear en fibres synthétiques griffée WL & T (Wild & Lethal Trash). Derrière, un écran vidéo diffuse des images "volées" sur les trottoirs des grandes villes du monde entier. Ce raccourci illustre l’une des caractéristiques amorcées dans les années quatre-vingt, l’influence croissante du spectacle de la rue sur les créateurs, parfois même accusés de piller plutôt que de créer. Voilà pour ceux qui pensaient que l’esprit de la mode et ses avatars ne pouvaient entrer au musée. Non loin, trois accessoires déclinent un même thème dans trois vitrines : un corset, une gaine et une guêpière. Puis l’émancipation du corps féminin est de nouveau abordée grâce à la présentation simultanée d’une robe de cocktail Christian Dior (1957) et d’un tailleur Chanel (1965), dont les conceptions diffèrent radicalement. Si Dior emprisonne encore le corps dans un savant dispositif de sangles et de baleines emprunté au XIXe siècle, Coco Chanel veut une femme libérée de toute entrave – seule une chaînette cousue au bas de la veste assure le tombé du tissu. Ceux qui craignaient que le nouveau Musée de la mode sacrifie sa vocation de conservatoire et sa mission pédagogique au culte de l’éphémère en seront pour leurs frais. D’autres installations vidéos, d’autres vitrines expliquent ainsi la mode et ses enjeux, le costume et son histoire, au gré d’un parcours à la chronologie inversée.
Tournure ou crinoline
Le premier niveau du musée, dont l’aménagement aura coûté au total près de 95 millions de francs, est entièrement consacré au XXe siècle, le second remonte jusqu’à l’époque de la Régence. En matière de mode, une robe de Balenciaga ou de Paco Rabanne est sans doute plus facile à appréhender que la différence entre une crinoline et une tournure… En outre, le fonds XXe siècle est de loin le plus considérable, en particulier grâce à la donation de Madeleine Vionnet, aux fonds importants de Dior et Chanel, et aux archives d’Elsa Schiaparelli et de Paul Poiret. Ces dernières sont conservées au Centre de documentation – installé dans un espace de 450 m2 au quatrième étage – ouvert aux amateurs, chercheurs et professionnels pour la consultation de dizaines de milliers de gravures, dessins originaux, photographies, reportages de défilés de mode, échantillons de textiles, etc.
Troisième collection au monde
Disposés dans de sobres vitrines conçues par l’agence Cobalt, les robes et les costumes présentés sur des mannequins succèdent aux accessoires : ici, les gants, là, les chapeaux, plus loin, les sacs à mains ou les chaussures. Le musée est riche de 81 000 pièces (16 000 costumes, 35 000 accessoires, 30 000 textiles…). C’est l’une des trois plus importantes collections au monde avec celles du Victoria & Albert Museum de Londres et du Metropolitan Museum of Art de New York. À raison de deux expositions semi-permanentes par an, cinquante ans seront nécessaires pour montrer la totalité du fonds, "sans compter nos futures acquisitions !", remarque Lydia Kamitsis, conseiller scientifique chargée de la programmation du musée, dont elle a récemment été nommée conservateur. Pour d’évidentes raisons de conservation, autant que pour entretenir l’intérêt du public, elle a choisi d’y présenter une "collection" entièrement renouvelée deux fois par an. S’y ajouteront, en 1998, des "expositions d’envergure internationale" dans la grande nef, en alternance avec celles organisées par le Musée des arts décoratifs et le Musée de la publicité, toujours en cours de réaménagement. D’ici là, des expositions-dossiers seront régulièrement proposées dans deux petites salles attenantes aux galeries permanentes.
Musée de la mode et du textile, palais du Louvre, 107 rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. 01 44 55 57 50, tlj sauf lundi 11h-18h, sam. et dim. 10h-18h, merc. 11h-22h, entrée 25 F et 16 F (TR). Accès au Centre de documentation sur RV. Album du musée sous la direction de Pierre Arizzoli-Clémentel, conservateur général chargé des musées de l’Ucad, édité par la RMN, 176 p. en coul., 32 en n. & b., 250 F.
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À la mode de chez nous
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°33 du 1 février 1997, avec le titre suivant : À la mode de chez nous