POLOGNE
La photographie commence tout doucement à être prise en compte dans les institutions, portée par une poignée d’acteurs. Mais le chemin est encore long.
Lorsqu’en 2016 Marek Swica arrive à la direction du Musée de la photographie de Cracovie (MuFo, voir ill.), celui-ci est en mauvais état. Il est pourtant la seule institution publique consacrée à la photographie et aux appareils photographiques en Pologne. Le bâtiment de la rue Józefitów nécessite une rénovation urgente et la création d’espaces appropriés à la conservation des collections. Cinq ans plus tard, grâce à des financements de l’Union européenne et de la Ville de Cracovie, le MuFo a été entièrement modernisé. Sur le terrain attenant, un immeuble réservé exclusivement aux collections se dresse sur sept niveaux et, à la fin de l’automne, un autre site d’exposition sera inauguré dans l’ancienne armurerie de la forteresse de la ville avec l’exposition « What Does a Photograph Do ? » « Cette exposition marquera la fin de notre période de transformation. Mais il nous faut mener un travail important d’élargissement de notre collection et développer une politique de restauration de la photographie sur le plan national. Car si la plupart des musées polonais possèdent des photographies dans leurs collections, tous ne savent pas comment les gérer. Il est de notre responsabilité de partager notre savoir-faire », précise Marek Swica. De fait, l’intérêt porté à la conservation, la numérisation et la valorisation des archives et des collections de photographies est récent en Pologne grâce la mobilisation de nouveaux responsables de musées.
Arrivée en janvier 2021 à la direction du Musée de Varsovie, Karolina Ziebinska-Lewandowska est de ceux-là ; elle procède dès son arrivée à un inventaire des collections photographiques de l’institution et travaille à la création d’un centre pour la photographie dans un autre quartier de la capitale, prévu pour 2024. L’ancienne conservatrice pour la photographie du Centre Pompidou proposera l’année prochaine, à partir du fonds du musée, un programme de conférences et d’édition de livres consacrés à l’histoire de la photographie polonaise.
À Lodz, la nomination de Jaroslaw Suchan en 2006 au Musée Sztuki a donné un nouvel élan à l’une des institutions d’art moderne et contemporain les plus référencées en Europe, notamment pour ses collections de photos. Cette année, l’exposition « Tender Attention. Urszula Czartoryska and Photography » a constitué une étape importante. « Pour la première fois, le musée présentait sa collection de photographies comme un ensemble distinct, car nous voulions souligner le rôle d’Urszula Czartoryska dans la valorisation de la photographie dans la culture et la muséologie polonaises. En 1977, elle a créé le département de la photographie et des nouveaux médias dans notre musée, le premier de ce type en Pologne », souligne Jaroslaw Suchan – département toutefois supprimé depuis.
« La valorisation de la photographie est un fait récent en Pologne. En 1972, le Musée de la photographie était créé à Cracovie tandis que la plupart des musées d’art ou musée nationaux commençaient, sous l’impulsion de quelques personnes, à collectionner les photographies et à les exposer régulièrement. Mais faute de relève, cette dynamique s’est essoufflée. À tel point qu’à la fin des années 1990, les photographes polonais n’avaient plus de lieu où exposer à moins d’être considérés comme des artistes contemporains », explique Karolina Ziebinska-Lewandowska. Sans la création en 2001 de Fotofestiwal à Lodz et, l’année suivante, de Photomonth Festiwal à Cracovie et grâce à quelques galeries et fondations pour les soutenir, rien ne serait venu contrebalancer cette tendance. « La création en 2008 de la Fundacja Archeologia Fotografii à Varsovie [fondation cofondée en 2008 par Karolina Ziebinska-Lewandowska] a eu à cet égard un grand impact sur la valorisation des archives photographiques », remarque Maria Franecka, assistante principale au département des collections d’art moderne du Musée Sztuki.
Reste que le fossé entre initiatives publiques et privées dans ce domaine demeure important et la dynamique enregistrée dans certains musées, fragile. Plus qu’une question de coût, il s’agit avant tout en Pologne d’un problème de formation. « À l’université, la plupart des départements d’histoire de l’art n’ont pas de cours spécifiques en histoire de la photographie et, quand ils existent, ils demeurent facultatifs », constate Karolina Ziebinska-Lewandowska pour expliquer cette situation. « Un historien de l’art ou un conservateur n’a ainsi souvent aucune formation même basique en ce domaine. Comment peut-on prêter attention à cet héritage si la culture photographique est si faible ? » Une situation renforcée par l’absence de département ou de cabinet de photographies spécifique au sein des musées, comme au MoMA à New York ou au Centre Pompidou.
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La lente reconnaissance de la photographie dans les musées polonais
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°572 du 3 septembre 2021, avec le titre suivant : La lente reconnaissance de la photographie dans les musées polonais