BÂLE / SUISSE
Sibylle Geiger souhaitait rendre l’art accessible au plus grand nombre. Sa fondation vient étendre l’offre bâloise en choisissant des thèmes d’exposition peu susceptibles d’être abordés par les autres institutions.
Bâle. Une nouvelle fondation d’art à Bâle ? La nouvelle menaçait de passer inaperçue en Suisse, la cité rhénane comptant un nombre déjà impressionnant de ces structures privées spécialisées dans le domaine – au nombre desquelles, parmi les plus célèbres, la Fondation Beyeler ou le Schaulager. Mais c’était sans compter le positionnement original de cette nouvelle arrivée sur la scène artistique bâloise, à la fin août 2020, en pleine pandémie.
À l’origine du projet de la Kulturstiftung Basel H. Geiger (KBH.G), on trouve une femme férue d’art : Sibylle Piermattei-Geiger, décédée à Bâle un mois avant l’ouverture du lieu, en juillet 2020, à l’âge de 89 ans. Cette costumière formée à l’école des arts décoratifs de Bâle puis de Paris, familière de l’avant-garde artistique, exerça plusieurs années dans la mise en scène théâtrale en Allemagne avant de s’installer en Italie et d’y ouvrir une galerie d’art avec son second mari dans les années 2000. Elle n’est autre que la petite-fille d’Hermann Geiger, fondateur en 1917 de l’entreprise pharmaceutique Gaba. Mais à l’âge de 70 ans elle se retrouve, à la suite de la vente de la firme familiale au groupe Colgate-Palmolive, à la tête d’une gigantesque fortune. « Jusqu’à un âge avancé, elle vécut de manière modeste , raconte Raphaël Suter, le directeur de la fondation. C’est uniquement l’héritage de son grand-père qui a rendu possible la création d’une fondation, car elle ne voulait pas disposer de cet argent pour elle-même. »
Son souhait était simple : établir une fondation qui rende accessibles au plus grand nombre des expositions d’art. C’est d’abord dans la petite ville de Cecina, sur la côte ligurienne de la Tocane, où elle réside, qu’elle crée en 2009 un lieu d’exposition. En 2018, revenant vivre à Bâle pour des raisons de santé, la philanthrope établit le siège de la fondation dans sa ville natale. « Sibylle Geiger souhaitait que chacun puisse se confronter à l’art, indépendamment de ses origines sociales ou intellectuelles », précise le directeur du lieu. L’entrée de l’exposition est donc gratuite pour tous et chaque visiteur se voit offrir un exemplaire du catalogue édité en partenariat avec la maison allemande Hatje Cantz.
Raphaël Suter en est conscient : siège de la plus importante foire d’art au monde, Bâle dispose déjà d’une offre abondante en matière d’art contemporain, relayée par des institutions publiques de qualité, à l’image du Kunstmuseum, et des collections privées. Pour cette fondation de petite taille qui emploie six personnes, la carte des expositions, au nombre de deux à trois par an, doit par conséquent être jouée sur des terrains alternatifs. L’exposition inaugurale à l’automne 2020 avait ainsi été consacrée à l’art des Caraïbes ; à l’automne 2021, place sera faite aux affiches de Picasso issues de collections privées. « L’éventail de ces expositions doit être très ouvert. Nous essayons donc de trouver une niche avec des sujets que les autres institutions d’art n’abordent pas. Nous souhaitons également rendre accessibles au public les trésors privés que Bâle possède et que presque personne ne connaît », explique le directeur. La Fondation KBH.G ne possède pas de collection propre.
Elle s’est dotée d’un lieu un peu à l’écart du centre-ville, dans le quartier de l’hôpital universitaire : le rez-de-chaussée d’un ancien bâtiment industriel (une usine de micro-moteurs) que le bureau d’architectes bâlois Christ & Gantenbein, connu pour avoir assuré les agrandissements du Kunstmuseum de Bâle et du Musée national suisse à Zürich, a été mandaté pour rénover. Le caractère industriel du vaste espace de 500 m2 aux murs blancs est encore lisible dans les volumes et les détails ; le lieu fait d’ailleurs plus penser à une galerie qu’à une salle de musée et la fondation n’hésite pas à employer le terme de « showroom » pour le décrire. Le défi réside malgré tout dans l’insertion de ce nouvel acteur dans le dense tissu culturel bâlois. « Étant donné que Bâle compte de nombreuses institutions artistiques établies, nous ne voulons pas les concurrencer », indique le directeur. Pour l’exposition actuelle « Tree Connections » (lire l’encadré), deux partenariats ont été créés avec le riche musée d’ethnographie de la ville (le Museum der Kulturen) et le musée d’histoire naturelle. En organisant hors les murs et dans l’espace public une partie de sa manifestation, la Fondation KBH.G va également à la rencontre de visiteurs potentiels et gagne le pari de la visibilité.
Le KBH.G connecte Bâle à ses arbres
Exposition. C’est sur la place de la Cathédrale, en plein cœur de la vieille ville, qu’a été dévoilé, du 24 avril au 6 juin, le premier volet de l’exposition avec une installation de l’artiste suisse Klaus Littmann, Arena für einen Baum (« Une arène pour un arbre »). La mise en scène : un arbre de 8 mètres de haut a été planté au cœur d’une cage de bois arrondie et ajourée ; des bancs permettent aux passants de s’y asseoir. La pièce reprend de manière minimaliste la performance que Littmann avait organisée en 2019 au stade de Klagenfurt en Autriche en plantant une forêt d’arbres sur la pelouse du terrain de football. L’artiste et curateur a conçu la suite de l’exposition au sein des locaux de la fondation autour de cet unique objet : l’arbre, donc, sous toutes ses formes. Sont convoqués de grands noms de l’art (principalement suisses mais pas seulement) : Roman Signer ; Jean Tinguely ; Giuseppe Penone ou Meret Oppenheim… Tous explorent, à travers différents médiums, la relation de l’homme à la nature. En cohérence avec le propos environnementaliste qui sous-tend l’exposition « Tree Connections », on notera que la quasi-totalité des œuvres a été prêtée par des collectionneurs helvétiques « afin de limiter les transports et les rejets de CO2, dans un objectif de respect écologique »
Tree Connections,
jusqu’au 11 juillet, Kulturstiftung Basel H. Geiger, Bâle.
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La « Kulturstiftung Basel H. Geiger » prend racine à Bâle
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°569 du 11 juin 2021, avec le titre suivant : La « Kulturstiftung Basel H. Geiger » prend racine à Bâle