Entièrement repensé et réhabilité, le Musée Ingres de Montauban, nommé désormais le Musée Ingres Bourdelle, a rouvert ses portes au public.
Montauban. Depuis le Tarn, le palais épiscopal de Montauban semble immuable. Pourtant, à y regarder de plus près, on décèle que le monument historique vient de bénéficier d’importants travaux de restauration. Sa toiture a été rénovée et ses façades soigneusement nettoyées. Si de l’extérieur la métamorphose demeure discrète, à l’intérieur, la transformation est radicale. Le musée poussiéreux et inconfortable, qui avait relativement peu changé depuis le XIXe siècle, a subi une refonte totale. Le site a été agrandi, modernisé, adapté aux normes muséographiques et aux standards de visite actuels, tout en respectant les contraintes inhérentes à un monument classé. Le tout en un temps record – moins de trois ans –, et avec un budget serré de 13 millions d’euros. Sur le papier, c’était presque mission impossible. D’autant qu’à cette équation déjà compliquée est venu s’ajouter un drame : le décès brutal de l’architecte Bach N’Guyen. C’est son épouse Stéphane N’Guyen qui a repris le flambeau et livré le chantier en temps et en heure.
C’est donc un tout nouveau musée, qui a su s’insérer avec élégance dans ce palais du Grand Siècle, posé sur une place forte médiévale, que les Montalbanais ont découvert en décembre. Un établissement rebaptisé Musée Ingres Bourdelle, pour marquer ce changement d’ère et mieux rendre justice aux deux enfants chéris de la cité.
L’objectif principal était de créer des circulations verticales, grâce à l’installation de deux ascenseurs, et de fluidifier le parcours ardu de visite, car l’édifice en forme de U comporte une série de culs-de-sac. Pour régler ces problèmes et consacrer l’intégralité du bâtiment aux collections, les services administratifs ont été déménagés dans deux pavillons qui se fondent remarquablement dans le paysage. Le pavillon principal abrite le nouveau hall qui permet d’accueillir plus convenablement le visiteur et de l’orienter. En effet, la nouvelle distribution n’impose pas de circuit, mais offre un parcours à la carte, dans un lieu aux collections variées, qui a la particularité d’être à la fois un musée monographique, mais aussi un musée d’art et d’histoire. Cette réorganisation spatiale et conceptuelle était donc cruciale pour apporter de la clarté et pour donner envie au visiteur de revenir.
Grâce à l’agrandissement, qui a permis de gagner 700 m2 et ainsi d’offrir 2 700 m2 de surface visitable, le parcours se déploie désormais sur cinq niveaux. Le rez-de-chaussée est dévolu aux expositions temporaires. Pour son inauguration, le musée a fait un choix original, mais efficace, en rassemblant tous les dépôts et prêts exceptionnellement consentis pour l’événement par ses partenaires. Le Louvre a ainsi, entre autres, accepté de se séparer d’un trésor national : le Portrait du duc d’Orléans par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1842).
Le second sous-sol est occupé par la somptueuse salle médiévale du Prince Noir. Le premier sous-sol est consacré aux arts décoratifs et à Antoine Bourdelle dont les sculptures occupent deux grandes salles voûtées. La première est articulée autour du dynamique Héraklès archer (1909) et la seconde propose une belle galerie de portraits. Les œuvres sont présentées relativement bas, dans une atmosphère intime évoquant un atelier. Cette ambiance régit également l’accrochage des premier et second étages. « Nous voulions jouer la carte de l’intime, confirme Florence Viguier, la directrice. Car cet angle d’approche rend le musée moins intimidant pour le public, mais aussi parce qu’il sied particulièrement bien à la nature de nos collections qui sont l’héritage d’un fonds d’atelier. »
L’étage noble fait ainsi littéralement entrer le visiteur dans l’intimité d’Ingres en dévoilant ses objets personnels, dont son proverbial violon, mais aussi des portraits de famille et son panthéon artistique. Sa fascination pour Raphaël est évoquée par des copies d’Ingres, mais aussi par les reliques du génie de la Renaissance qu’il a pieusement conservées toute sa vie. Viennent ensuite les œuvres de jeunesse, une incursion dans la fabrique d’un tableau grâce à la révélation de ses méthodes de travail, et des pièces de maturité, comme le Portrait de madame Gonse et Le Songe d’Ossian, tous les deux de 1813.
Dans une salle ornée par le père d’Ingres et dont le décor a été mis au jour durant le chantier, on découvre ensuite la collection constituée par Ingres. Un fonds où Nicolas Poussin côtoie les primitifs italiens et même un suiveur de Jan van Eyck. Au fil des salles, on fait aussi connaissance avec les élèves d’Ingres, notamment Armand Cambon, ami proche et premier directeur du musée.
Mais le saint des saints se trouve au dernier étage dans le cabinet de dessins qui regroupe l’extraordinaire fonds légué par l’artiste. D’élégantes vitrines, munies d’ingénieux tiroirs verticaux, permettent d’admirer ces feuilles tout en les mettant en parallèle avec la collection d’antiques ayant servi de modèles au peintre. Une véritable réussite qui donne envie de se perdre dans cet océan de papier.
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Ingres et Bourdelle sublimés dans leur musée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°536 du 3 janvier 2020, avec le titre suivant : Ingres et Bourdelle sublimés dans leur musée