ERCOLANO / ITALIE
L’autre cité antique ensevelie à la suite de l’éruption du Vésuve en 79 apr. J.-C. commence à tirer profit de l’autonomie octroyée par l’État italien. Le partenariat noué avec une ONG américaine permet au Parc archéologique de lancer un projet de musée virtuel innovant.
Ercolano (Italie). C’est la petite sœur oubliée de Pompéi. La cité balnéaire d’Herculanum a elle aussi été la victime de la dévastatrice éruption du Vésuve en 79 après J.-C. Si elle n’égale pas sa voisine en notoriété et en superficie, elle était bien plus prospère et dotée d’une architecture beaucoup plus majestueuse. Un trésor qu’il a été surtout plus facile de protéger des outrages du temps et de l’avidité des pilleurs de sites archéologiques. Herculanum fut en effet recouverte de 15 mètres au moins de roches et gravats contre environ 4 mètres de cendres pour Pompéi. Moins d’un quart de la cité antique, soit environ 4,5 hectares, a été mis au jour. Les bâtiments de la ville moderne empêchent les archéologues de dégager la plupart des monuments publics et religieux, qui demeurent toujours ensevelis.
« Le chantier de fouilles archéologiques d’Herculanum a commencé en 1738, ce qui en fait le tout premier du monde occidental », s’enorgueillit Francesco Sirano, à la tête du site depuis 2016 lorsque le Mibac [ministère pour les Biens et les Activités culturels] lui a octroyé son autonomie. « Herculanum est la seule ville du monde romain antique qui conserve son ancien front de mer et des maisons d’au moins deux étages, mais surtout des trésors exceptionnels comme des restes intacts de nourriture ou encore de nombreux éléments en bois qui n’ont pas brûlé mais ont été carbonisés. Des portes, des matériaux de construction, des objets de dévotion, du mobilier… » Une exposition monographique est pour la première fois consacrée à ces vestiges tandis que l’usage de nouvelles résines en permet une meilleure restauration et conservation.
« L’autonomie que nous avons gagnée a été une véritable révolution, explique Francesco Sirano. Évidemment nous manquons de personnel, nous disposons d’une quarantaine d’agents de surveillance alors que nous en aurions besoin d’au moins 75. Mais nous sommes sortis de la logique où nous réagissions à une urgence pour être proactifs, avec la priorité donnée au travail de restauration et d’entretien, qui est fondamental également pour une plus grande connaissance du site. Ces deux dernières années, 1 500 interventions ont été réalisées. L’activité est constante. »
Longtemps inaccessible au public, le théâtre souterrain d’Herculanum, admirablement conservé dans les entrailles de la ville moderne, se visite désormais depuis 2018. Premier vestige découvert par hasard en 1710, on y accède toujours par des tunnels creusés à l’époque où les Bourbons régnaient sur le royaume de Naples. En 2024, les travaux de valorisation du front de mer antique devront être achevés, suivis en 2026 de la mise en sécurité de la villa des Papyrus, la plus somptueuse du site.
« Le but n’est pas d’ouvrir de nouveaux chantiers, précise Francesco Sirano. Mieux vaut mener des travaux de conservation, consolidation, restauration et maintenance pour approfondir ou compléter les chantiers déjà existants. Nous n’aurions de toute façon pas les ressources humaines et financières nécessaires pour les lancer, et ensuite les rendre accessibles au public. » Les visiteurs, à 80 % étrangers, affluent de nouveau. Ils étaient 580 000 avant la pandémie, bien loin des près de 4 millions qui arpentaient les rues de Pompéi. « Nous n’avons pas l’intention de battre des records de fréquentation, confesse le directeur du Parc archéologique d’Herculanum. Nous misons sur un tourisme de qualité. Nous avons calculé qu’avec 4 000 personnes par jour, ce qui est déjà beaucoup, nous pourrions attirer 1 million de touristes par an, mais le chiffre de 700 000 environ est plus adéquat, aussi bien pour maintenir la qualité des visites que pour la préservation du site. »
Le site bénéficiera prochainement d’investissements dans le cadre du plan de relance européen. Deux projets seront bientôt lancés pour la mise en place de nouvelles réserves afin de mieux conserver et répertorier les vestiges archéologiques. C’est l’objectif que se fixe également le « MuDE » (Museo Digitale di Ercolano, un musée virtuel réalisé avec le soutien de l’américain Packard Humanities Institute et qui verra le jour d’ici un an. « Ce n’est pas un sponsor, mais un véritable partenaire à nos côtés depuis 2001, souligne Francesco Sirano. Son apport pour les aspects logistiques et techniques des projets est fondamental. » Ce projet permettra ainsi de cataloguer l’ensemble du patrimoine archéologique d’Herculanum. Plus de 6 500 objets, dont certains sont conservés dans d’autres musées archéologiques, seront ainsi à terme référencés et reconstitués en haute définition en 3D pour enrichir une base de données. Celle-ci, libre d’accès, rassemblera aussi bien des cartes, des dessins que des photographies ou encore les notes des archéologues ayant mené des fouilles sur le site. « Le MuDE n’est pas un gadget informatique, insiste Francesco Sirano. C’est un instrument de travail scientifique et de divulgation innovant qui servira de modèle. Nous jetons une nouvelle lumière inédite sur Herculanum.» Si le site est toujours à l’ombre du Vésuve, il est sorti de celle de Pompéi.
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Herculanum sort de l’ombre de Pompéi
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°597 du 21 octobre 2022, avec le titre suivant : Herculanum sort de l’ombre de Pompéi