BONN - En 1999, la municipalité de Duisbourg a accordé une subvention de 35 millions de marks (18 millions d’euros) pour la création du Grothe Museum, destiné à présenter une partie de la collection de Hans Grothe.
Hans Grothe, ce magnat allemand du bâtiment avait réuni un ensemble de plus de sept cents œuvres d’art allemand de ces trente dernières années, qu’il prêtait à deux musées allemands, celui de Duisbourg donc, mais aussi le Kunstmuseum de Bonn. En échange de l’investissement de la première municipalité, le collectionneur s’était obligé, par contrat, à céder d’ici à 2029 cent trente de ses œuvres à la Ville.
Depuis, il a vendu sa collection à Sylvia et Ulrich Ströher, anciens propriétaires de la marque de cosmétiques Wella (dont ils ont obtenu trois milliards d’euros de la vente de leurs parts), pour une somme évaluée à 50 millions d’euros. Annoncée par la presse allemande, cette estimation ne représente pourtant que la moitié de la valeur supposée de l’ensemble, qu’une récente expertise fiscale chiffrait entre 120 et 200 millions d’euros. Les difficultés financières dont serait actuellement victime Hans Grothe l’auraient poussé à se séparer ainsi de son patrimoine.
Depuis 1973, l’industriel, âgé aujourd’hui de 75 ans, s’est offert les meilleures œuvres de vingt-deux artistes et photographes, parmi lesquels Joseph Beuys, Gerhard Richter, Thomas Demand, Andreas Gursky et Thomas Ruff. Son habitude de prêter des pièces aux musées allemands, pour en faire monter la cote avant de les vendre au plus haut prix, lui avait valu de sévères critiques. Dans les années 1990, par exemple, il avait réuni une très importante collection de photographies acquises à bon marché, en prétextant avoir le projet de construire un immense musée pour les héberger. Les artistes et les marchands concernés furent scandalisés quand ces pièces se retrouvèrent proposées aux enchères au plus fort de l’engouement pour la photographie allemande. Hans Grothe a ainsi obtenu 600 000 dollars d’une photographie d’Andreas Gursky en novembre 2001 chez Christie’s à New York, enchère record pour un photographe vivant.
Mille cinq cents œuvres
Sylvia et Ulrich Ströher, qui viennent d’acquérir sa collection de gré à gré, possèdent déjà huit cents œuvres d’art moderne allemand, conservées à leur domicile de Darmstadt, principalement des tableaux abstraits des années 1950 et 1960, peints par des artistes comme Hoehme, Goetz et Münter. Grâce à l’achat de la collection Grothe, ils sont désormais à la tête de plus de mille cinq cents peintures et sculptures, l’une des plus grandes collections privées au monde. Mais le couple de quinquagénaires ne peut pas disposer entièrement de cet ensemble. Il est lié par le contrat signé entre Hans Grothe et la Ville de Duisbourg. Le musée va cependant changer de nom pour prendre celui de « Museum Küppersmühle für moderne Kunst » (MKM). Une autre partie importante de l’ex-collection Grothe est en prêt au Kunstmuseum de Bonn. Christoph Schreier, son directeur adjoint, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions sur la vente de la collection, espère néanmoins conserver les œuvres à Bonn jusqu’en 2025.
E. B.
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Grothe vend tout
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°224 du 4 novembre 2005, avec le titre suivant : Grothe vend tout