La cuisine du Sud s’invite à l’Hôtel de la Marine, à Paris. Dans un décor de croisière sur la Riviera, on s’amuse à picorer œufs mimosa ou pissaladières.
L’hôtel de la Marine, rénové au terme d’une campagne de travaux de trois ans, se visite comme un petit Versailles intra-muros ; le restaurant Mimosa, installé dans l’ancien garde-meuble de Louis XV, est au diapason. L’architecte d’intérieur Dorothée Delaye s’est appliquée à y créer l’atmosphère d’une croisière sur la Riviera. Le plafond haut de sept mètres, évoquant une coque de bateau retournée, comporte huit lustres, en bois d’acajou, comme les fauteuils. Miroirs vieillis en alcôves, patine rosée sur les murs, velours bleu et corail pour les banquettes cloutées de bronze, moquette florale, elle a fait appel aux meilleurs artisans pour restituer une ambiance « yacht club à la française ». On apprécie les volumes exceptionnels, comme l’espace libre entre les tables – un luxe. Quelques objets chinés – céramique de Vallauris, fauteuil en rotin, livres anciens – complète le décor, élégant. Le restaurant comporte un bar, un petit salon et l’été, une terrasse abritée de la rue.
À la façon d’une madeleine proustienne, la mise en bouche, un filet d’huile d’olive parfumée d’origan à saucer avec du pain, réveille un goût de soleil. Le plat signature, ici, c’est l’œuf mimosa, soit des œufs durs et de la mayonnaise, un classique de brasserie réinterprété par le chef étoilé en quatre versions délicieuses – dont une, de luxe, aux œufs de saumon et raifort. On picore. La fraîcheur de la salade de fenouil se fond dans un nuage blanc de stracciatella, ce fromage à pâte filée qui s’étire et se défait en petits lambeaux crémeux. On y devine la pointe de poutargue, caviar provençal qui relève les plats de sa saveur salée. La mini-pissaladière arrive sur un présentoir de pâtisserie : la pâte est fine, la douceur presque sucrée des oignons contraste avec l’amertume des olives noires et des anchois, « comme à Nice », suggère la carte. La boulette de viande moelleuse trône sur son lit de tomate cuite au four. On dirait le Sud ? Oui, mais au tarif parisien.
En plein midi, si le ciel est dégagé, la lumière du jour entre à flots par les fenêtres et il faut tirer les lourdes tentures de velours pour ne pas être aveuglé. Dans cette atmosphère intimiste, on fera du bout des doigts ou de la fourchette l’expérience de la cuisine « à partager ». Le phénomène anglo-saxon du « sharing », qui a déferlé ces dernières années sur les tables parisiennes, est en effet au cœur de la dernière adresse de Jean-François Piège. Cette formule conviviale chamboule la hiérarchie du service en mélangeant les plats sur la table, invitant à s’aventurer dans le menu de son commensal, puisqu’il est non seulement permis mais recommandé de jouer les pique-assiette. Une façon savoureuse de nourrir la conversation.
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Goût de soleil
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°775 du 1 mai 2024, avec le titre suivant : Goût de soleil