PARIS
La Fondation Giacometti a reconstitué dans un immeuble Art nouveau, l’atelier que l’artiste a occupé pendant 40 ans à quelques centaines de mètres à Montparnasse.
En arrivant devant le 5, rue Victor-Schoelcher, à Paris, un immeuble Art nouveau sur une petite rue calme donnant sur le cimetière du Montparnasse, les visiteurs pourraient se croire dans l’ancien atelier d’Alberto Giacometti. Il n’en est rien, celui-ci à moins d’1 kilomètre de là a été vidé en 1972 des objets et même des murs recouverts de dessins de l’artiste, les propriétaires de l’immeuble ne voulant surtout pas s’encombrer d’un lieu de mémoire.
Longtemps resté dans des réserves, il a entièrement été remonté au rez-de-chaussée du nouvel Institut Giacometti qui ouvre ses portes au public le 25 juin. La prouesse est moins difficile qu’il n’y paraît. L’atelier qu’a occupé le peintre sculpteur de 1926 à 1966 tient dans une petite pièce de 23 mètres carrés, tous les objets qui le composaient ont soigneusement été conservés et l’on dispose de nombreuses photographies d’époque qui ont permis de le restituer presque à l’identique, à l’exception de la grande vitre et de l’escalier qui menait à l’étage. Dans un capharnaüm indescriptible plein des sculptures de Giacometti (et aucune œuvre d’autres artistes), trône dans un coin la chaise de l’artiste face à un chevalet. À côté un buste en terre d’Eli Lotar, la dernière œuvre sur laquelle travaillait Giacometti avant sa mort. Sur la table des dizaines de pinceaux, les lunettes de l’artiste, et même des mégots de cigarettes (authentiques). « Giacometti était très angoissé, il avait besoin de se rassurer dans son petit atelier qu’il n’a jamais quitté et de se concentrer totalement sur son travail », explique Catherine Grenier, la directrice de la Fondation. L’inconfort des lieux ? « Il était habitué à la rudesse campagnarde », ajoute-t-elle.
Dans une pièce toute blanche, l’atelier est entouré de deux parois vitrées, tandis que sur un côté des gradins permettent aux visiteurs de s’asseoir et contempler le désordre à leur aise.
Les autres salles occupées par l’Institut au rez-de-chaussée et au premier étage ont dû cependant composer avec les lieux. L’ancien atelier et résidence du décorateur Paul Follot (1877-1941) est en effet classé (le bâtiment) et inscrit (les décors intérieurs) aux Monuments historiques. Resté vide depuis la Seconde Guerre mondiale, il offre un écrin à demi authentique pour l’atelier de l’artiste suisse. « Je tenais absolument à choisir un ancien atelier à Montparnasse », explique la directrice. Les décors Art nouveau et Art déco ont été restaurés a minima et des cimaises blanches ont été ajoutées quand cela était possible pour neutraliser les murs d’exposition des œuvres. Le parcours d’environ 280 mètres carrés est constitué d’une suite de petites pièces, avec en point d’orgue une salle sous une verrière abritant la bibliothèque de Giacometti. Tout cela n’est pas sans charme et les visiteurs devraient apprécier cette ambiance intime même si elle est anachronique.
La configuration des lieux ne permet pas une jauge de plus de quarante personnes. Aussi l’accès ne se fera que sur réservation sur Internet. La visite, estimée à 45 minutes, est libre, avec cependant la présence de deux médiateurs. L’exposition inaugurale s’appuie fort opportunément sur Jean Genet, qui a écrit un texte sur l’atelier de Giacometti qu’il a fréquenté pour de longues séances de pose. Outre un portrait peint de l’écrivain, sont exposées des œuvres vues par lui, dont les Femmes de Venise, allusion à la fréquentation assidue par l’artiste des maisons closes.
La Fondation garde ses locaux administratifs à Saint-Germain-des-Prés afin de consacrer le plus d’espace possible aux surfaces d’exposition. Ce lieu va lui permettre d’accueillir des scolaires, qui seront sans nul doute passionnés par l’atelier, un mode d’entrée concret sur le travail d’un artiste. Les visites seront prolongées par des exercices divers dans des salles pédagogiques louées dans un bâtiment attenant appartenant à la Ville de Paris. Ce sera aussi un point de ralliement pour les chercheurs que soutient la Fondation qui souhaite en effet encourager les travaux universitaires sur l’art moderne.
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Giacometti presque dans ses murs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°504 du 22 juin 2018, avec le titre suivant : Giacometti presque dans ses murs