L’hôtel Reichenbach, fleuron de l’architecture Art déco parisienne, et propriété du Royaume d’Arabie Saoudite, devrait être détruit prochainement.
PARIS - « Nous ne sommes pas convaincus par un argument patrimonial majeur », précise-t-on au ministère de la Culture. En d’autres termes, la Rue de Valois, qui se réfugie derrière l’avis du service départemental de l’architecture et du patrimoine de Paris, ne s’opposera pas à la démolition par un classement d’office. Un nouveau fleuron du patrimoine parisien va donc disparaître d’ici peu sous les coups de butoir des démolisseurs. Sis dans le très huppé quartier de La Muette (Paris-16e), l’hôtel Reichenbach est l’un des joyaux du patrimoine immobilier Art déco de la capitale, construit entre 1930 et 1932 par l’architecte Jean-Charles Moreux (1889-1956). Un fleuron mal connu, puisqu’il n’a pas fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques, contrairement à tant d’autres bâtiments de cette période. Moreux, proche d’André Lurçat, n’est en effet pas l’architecte le plus célèbre d’une époque écrasée par la figure de Le Corbusier. Également créateur de mobilier et paysagiste – il est l’auteur du square René-Le Gall (Paris-13e), inscrit au titre des monuments historiques –, il a pourtant compté parmi ses clients le couturier Jacques Doucet ou le vicomte de Noailles. Son architecture est empreinte d’un classicisme épuré. L’hôtel particulier construit pour l’industriel Bernard Reichenbach, en collaboration avec Bolette Natanson, la fille du fondateur de la Revue Blanche, en est un parfait exemple.
« Geste de mécénat »
Propriété du Royaume d’Arabie Saoudite, l’hôtel a été victime d’un incendie il y a une quinzaine d’années, alors que les collections de Bernard Reichenbach avaient déjà été dispersées. Depuis, il a été laissé à l’abandon, conservant néanmoins ses distributions d’origine et son très bel escalier intérieur. Or son propriétaire a décidé de le raser afin de construire une nouvelle résidence pour son ambassadeur. Le permis de démolir en totalité a été accordé par la préfecture de Paris le 10 février dernier. Dès le 3 avril 2007, la Commission du Vieux Paris, organe consultatif de la Ville de Paris, s’était inquiétée de ce projet. « Une telle proposition constitue une erreur d’autant plus grande que sa restauration est tout à fait réalisable, notaient alors les experts de la Commission. L’ambassade propriétaire des lieux s’honorerait de contribuer, par un geste de mécénat, à la mise en valeur du patrimoine parisien de l’architecture moderne du XXe siècle, dont la réputation est internationale. L’occasion lui est donnée de manifester publiquement son intérêt pour un monument de l’art français. » La Commission recommandait alors d’inscrire l’hôtel au titre des édifices à protéger dans le cadre du plan local d’urbanisme (PLU). Lors des débats sur l’adoption du nouveau PLU, la Ville de Paris s’était en effet targuée de vouloir instaurer par ce biais un nouvel échelon de protection du patrimoine. Qui est visiblement suivi de peu d’effets, au moment où le ministère de la Culture semble avoir renoncé à son rôle de garant du patrimoine.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°300 du 3 avril 2009, avec le titre suivant : Exécution sommaire