Architecture

Eero Saarinen enfin reconnu

Par Mason S. Brook · Le Journal des Arts

Le 7 juillet 2009 - 771 mots

Deux constructions de l’Américain d’origine finlandaise vont bénéficier de campagnes de restauration. Tout un symbole pour un architecte longtemps désavoué.

NEW YORK - L’architecte et designer finlandais-américain Eero Saarinen (1910-1961) est en passe d’obtenir la reconnaissance qu’il mérite. Deux institutions américaines s’apprêtent à dépenser des millions de dollars pour restaurer des édifices du maître moderniste, plus connu du grand public pour sa célèbre chaise Tulipe. L’université de Yale (New Haven, Connecticut) a investi 24,8 millions de dollars (17,6 millions d’euros) dans la restauration d’une patinoire de hockey des années 1950, tandis que l’Indianapolis Museum of Art (IMA, Indiana) a lancé une campagne de levée de fonds pour récolter les 5 millions de dollars nécessaires à la rénovation de l’une des résidences particulières les plus célèbres de l’architecte.

La « baleine de Yale »
Diplômé de Yale à la fin des années 1930, Saarinen a reçu commande de la patinoire David-Ingalls en 1956. Surnommée la « baleine de Yale » en clin d’œil à sa toiture incurvée, cette structure elliptique en béton moulé est tout à fait originale. Chargé du projet de rénovation, le cabinet d’architectes Kevin Roche, John Dinkeloo et associés avait repris les affaires de Saarinen après son décès en 1961. Les travaux prévoient un ravalement complet de la façade, de nouveaux sièges pour les gradins, et une extension de 1 180 mètres carrés qui abritera, entre autres infrastructures, les vestiaires et le système de climatisation – l’ouverture de la patinoire étant prévue pour septembre. Seront également préservés les graffitis laissés par les supporters du cofondateur des Panthères noires Bobby Seale au cours de son procès pour meurtre à New Haven en 1970. Saarinen « est mort très jeune et très critiqué par la majorité de l’establishment, mais cinquante ans après, son nom devient à la mode, » observe Kevin Roche, lauréat du Pritzker Prize en 1982. Il n’y a pas sept ans, le nom de Saarinen, auteur d’icônes architecturales comme le terminal de la TWA de l’aéroport John-F.-Kennedy à New York et la Gateway Arch à Saint Louis (Missouri), était encore relégué dans l’ombre. Rares étaient les spécialistes à considérer son œuvre digne d’être étudiée, à l’image de Vincent Scully, professeur à Yale, qui tacla sévèrement l’architecte dans son ouvrage American Architecture and Urbanism (1969). Selon Scully, la patinoire Ingalls « incarnait une grande part de ce qui n’allait pas avec l’architecture américaine des années 1950 : l’exhibitionnisme, la prétention structurale, l’arrogance sabordée ». Conservateur au Museum of Modern Art, à New York, Barry Bergdoll rappelle que l’architecte avait bien d’autres détracteurs. « Bien que Saarinen fût sévèrement condamné justement pour cet éclectisme, mais aussi pour le pictorialisme héroïque de son architecture, par des spécialistes tels [l’historien de l’art] Nikolaus Pevsner et [l’architecte] Robert Venturi, le fait que son œuvre ne peut être sagement cataloguée comme du classicisme moderne ou du classicisme postmoderne le rend irrésistible aux yeux des générations actuelles », avance-t-il. Le vent s’est mis à tourner en 2002, lorsque l’architecte Kevin Roche a fait un don important d’archives à la bibliothèque universitaire de Yale. Ces documents ont largement pesé dans le développement de « Eero Saarinen : Shaping the Future », la première rétrospective consacrée à l’architecte qui a ouvert ses portes en 2006 à Helsinki, en Finlande, et qui doit faire étape à Yale au printemps 2010. L’université vient également d’annoncer son projet de restauration de deux résidences étudiantes signées Saarinen (pour un budget de 150 millions de dollars).
L’une des rares maisons particulières, et sans doute la plus célèbre, de l’architecte est celle construite à Columbus (Indiana) en 1953 pour le compte de J. Irwin Miller, banquier, industriel et mécène. Grâce à la décoration intérieure réalisée par Alexander Girard, au jardin paysagé de Dan Kiley et au mobilier créé par Saarinen et Charles Eames, sans oublier son salon, la villa offre un voyage dans l’ère moderniste. Il y a sept mois, les enfants de Miller ont fait don de cette résidence familiale à l’Indianapolis Museum of Art, en sus d’une promesse de don de 5 millions de dollars pour nourrir un fonds de dotation qui devrait atteindre les 8 millions. De son côté, l’IMA tente de lever 5 millions de dollars pour financer la restauration et abonder le fonds de dotation de la maison, laquelle devrait ouvrir ses portes au public au printemps 2011. Pour le directeur de l’IMA, Maxwell Anderson, cette résidence est un « joyau de la couronne d’un pèlerinage architectural » et il espère qu’elle « contribuera à [la] réputation » de la ville de Columbus, arrivée sixième du classement pour l’innovation architecturale et le design de l’American Institute of Architects.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°307 du 10 juillet 2009, avec le titre suivant : Eero Saarinen enfin reconnu

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