PARIS
Deux ans et demi après son ouverture, la cantine italienne du Palais de Tokyo est toujours aussi peu convaincante. Et donne envie de zapper le repas pour mieux se régaler des œuvres du centre d’art.
Le Bambini est un restaurant de l’empire Paris Society, dont chacun des établissements (Gigi, CoCo, Monsieur Bleu, Perruche, Maison russe, Dar Mima…) hésite entre la period room et le parc à thème : ici l’Italie, forcément « solaire ». La décoration hétéroclite, saturée de détails – revêtement des fauteuils façon chintz, abat-jour en osier surdimensionnés évoquant des parasols renversés, grand trompe-l’œil en céramique représentant des citronniers sur fond azuréen, cache-pots vernissés – mime un esprit brocante. Mais, ici, tout est neuf et sans âme. Un four à bois et deux bars complètent cette reconstitution, façon dolce vita in vitro à deux pas de l’Alma. Une ambiance « grande mangeoire familiale chic », même si on voit peu de bambins attablés, plutôt des ados au regard morne.
La carte ne fait pas semblant de suivre les saisons : mi-novembre, les haricots se servent toujours en salade avec des pistaches et de la ricotta, les tomates sont saupoudrées de basilic et les aubergines sont bien sûr alla parmigiana. Les pizzettes courtes et dodues ont l’air bien garnies mais le cœur n’y est pas ; on opte pour un carpaccio d’artichauts. Notre voisin de table semble ravi de son vitello tonnato, un classique de la cuisine piémontaise (de fines tranches de veau napées d’une sauce au thon et aux câpres) exécuté dans les règles de l’art. Comme les fraises du crémeux maison ont dû pousser sous la même serre chauffée que les haricots, on termine sur un affogato, une boule de glace qui noie son parfum industriel insipide dans un café trop tiède. À Naples, ce dessert très courant est servi fumant dans des verres à Martini.
On pourrait parfaitement ignorer la présence mitoyenne du centre d’art. Avec son entrée distincte et son ambiance de néo-cantine populaire à l’addition salée, le Bambini ne saurait d’ailleurs être plus éloigné de la « permaculture institutionnelle » professée par le président du Palais de Tokyo. En levant le regard, on aperçoit cependant par-dessus la cuisine, derrière le décor de trattoria de l’ouest parisien, les murs en béton brut de son voisin avec ses câbles électriques au plafond. Cette petite percée du réel dans un théâtre de faux-semblants donne soudain l’impression de se trouver au cœur d’un Building Cut de Gordon Matta-Clark. Et l’envie irresistible d’aller se frotter aux véritables œuvres d’art, exposées à deux pas.
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Dolce vita in vitro
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°771 du 1 janvier 2024, avec le titre suivant : Dolce vita in vitro