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Dîner chez Miuccia Prada

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 23 novembre 2021 - 437 mots

Milan -  Certains lieux sont silencieux, d’autres vous font volontiers la conversation : c’est le cas du Torre, le restaurant de la Fondation Prada, qui porte le nom du bâtiment conçu par le studio d’architecture de Rem Koolhaas, l’une des trois constructions ajoutées sur le site de l’ancienne distillerie réaménagée en centre d’art.

Pour accéder au 6e étage, un ascenseur vous tend les bras. Parois d’onyx rose et cage de verre suspendue dans le vide, le trajet est un moment de vertige, auquel fait écho l’installation sonore Accent-sœur, de Jean-Luc Godard, d’après son Histoire(s) du cinéma. Cette série de huit épisodes fut tournée par le réalisateur entre 1988 et 1998, la décennie même qui vit l’irrésistible ascension du sellier italien, lequel défila pour la première fois à Milan en 1988 – la création de sa fondation en 1993 l’intronisant par la suite comme un acteur important du monde de l’art.

Avec sa terrasse offrant une vue panoramique sur la ville, son bar garni jusqu’au plafond d’alcools et de liqueurs, son coin salon-cheminée meublé de tables Eero Saarinen et de fauteuils soviet vintage, le Torre lui aussi nous fait son cinéma, ambiance « toit du monde ». Alors que l’on est simplement réduit à émettre un « wow ! », cette cantine de luxe s’avère gentiment bavarde. De la Testa di Medusa (1948-1954) en mosaïque et pâte de verre de Lucio Fontana aux publicités kitsch provocatrices signées Jeff Koons (I Assume You Drink Martell, 1986), elle ne cesse même, de vous couper la parole. Oui, Fontana aima d’abord la céramique, et Jeff Koons avait le sens de l’humour dans les années 1980. Parmi les œuvres de la collection accrochées ici et là, on trouve aussi des petits collages photographiques en noir et blanc de Goshka Macuga : ses grandes tapisseries figurent également dans l’exposition « Atlas ». Une édition de l’une d’elles (From Gondwana to Endangered, Who is the Devil Now?, 2020) figurait il y a quelques semaines à Art Basel sur le stand de la galerie Kate MacGarry. Quoi d’autre ? Au fond du restaurant, une série d’assiettes d’artistes (John Baldessari, Thomas Demand, Carsten Höller…). Et, à ce propos, comment mange-t-on au Torre ? Mais très honnêtement, bien sûr, puisqu’on est en Italie (compter 65 euros à la carte). Et même mieux que cela : salade croquante et crémeuse de haricots, pêche, noisettes et pecorino ou tartare de veau au paprika fumé ; spaghetti au pesto et à la poutargue ou pigeon sanglant au poivre grillé ; tarte au chocolat avec sa glace au café ou savarin aux myrtilles… Tous les plats concoctés par le chef Lorenzo Lunghi sont délicieux. Allez, c’est dit !

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°749 du 1 décembre 2021, avec le titre suivant : Dîner chez Miuccia Prada

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