LE VERDON-SUR-MER
Surnommé le « roi des phares » pour son histoire et sa prestance, Cordouan, sentinelle maritime battue par le vent et la houle depuis 400 ans, entre océan Atlantique et estuaire de la Gironde, est entré samedi au Patrimoine mondial de l'humanité de l'Unesco.
Dernier phare de mer habité en France et deuxième phare inscrit par l'Unesco après celui de La Corogne, en Espagne, l'imposante tour tronconique de pierre claire balise l'entrée du plus grand estuaire d'Europe, aux courants capricieux et rochers piégeux, à sept kilomètres du Verdon-sur-Mer (Gironde) et dix de Royan (Charente-Maritime).
Les ministres de la Culture, Roselyne Bachelot, et de la Mer, Annick Girardin, se sont félicitées de cette décision. C'est « une victoire pour le patrimoine maritime français mais qui implique une grande responsabilité, celle de continuer à préserver ce site exceptionnel pour les générations futures », a salué Mme Girardin dans un communiqué.
Bâti sur un plateau qui se dévoile à marée basse dans des reflets verts et bleus, tranchant avec le jaune des bancs de sable, et ceint d'un épais mur de pierres qui le protège des assauts de l'eau à marée haute, tel un bouclier, Cordouan ne se dévoile au public qu'à la belle saison et seulement si la mer le veut bien. « Superbe », « classieux », « bluffant »... C'est peu de dire que le phare, entré à l'inventaire des Monuments historiques dès 1862, comme Notre-Dame de Paris, fait impression. Des visiteurs s'étonnent que l'Unesco n'ait pas reconnu plus tôt sa « valeur universelle exceptionnelle ». « Son aspect, son architecture, son état de conservation, son histoire, l'accès compliqué... C'est un château ! », remarque Jacques, retraité de 69 ans et « fan de phare » venu de Nantes. « En plus, c'est un phare riant, avec sa couleur moins austère que celle du granit de Bretagne ». « Cordouan, c'était la première chose à faire sur ma liste de jeune retraitée. Cette richesse, ces sculptures... Je ne le voyais pas aussi grand à l'intérieur », glisse Martine, une Girondine de 61 ans.
Débarqués du bateau à marée basse, les visiteurs (environ 24 000 par an hors crise sanitaire) sont instruits de la riche histoire et la valeur patrimoniale du lieu par des gardiens qui vivent dans ce bâtiment propriété de l'État mais géré par le Syndicat mixte pour le développement durable de l'estuaire de la Gironde (Smiddest).
Voulu par Henri III pour remplacer une vieille tour à feu anglaise, construit sous Henri IV et rehaussé sous Louis XVI, le phare est inauguré en 1611 comme un bâtiment « à la mesure du pouvoir royal » dans un pays sortant à peine des guerres de religion, expliquent-ils.
« Tout beau, tout propre »
Une fois franchi le portique à colonnes qui marque l'entrée de cette tour de 67 mètres, avec ses pierres ouvragées et ses mascarons, figures humaines de style grotesque, il y a 301 marches à gravir pour passer de la mer au ciel. Il faut traverser l'« appartement du Roi » – où jamais roi n'a mis les pieds –, puis une chapelle à vitraux et au sol de marbre – où quelques visiteurs allument des cierges –, et emprunter un escalier hélicoïdal de pierres, comme suspendu, pour rejoindre la coursive extérieure, juste sous la lanterne. De là-haut, un panorama à 360 degrés, de Soulac-sur-Mer à La Palmyre, s'offre au visiteur dont l'œil aiguisé peut distinguer la forme de proue de navire de l'église en béton brut de Royan.
C'est à Cordouan, expliquent les gardiens, que le scientifique Augustin Fresnel a expérimenté sa fameuse lentille en 1823. Depuis, ce dispositif de plaques de verre, qui permet « d'aplatir le faisceau lumineux pour l'intensifier », équipe tous les phares du monde. Ici, une simple ampoule de 250 watts porte le signal lumineux à 39 km.
Venu à la force des bras, en kayak de mer, Christophe Bonnin – visiteur régulier de l'édifice – se félicite des toutes dernières campagnes de travaux effectuées pour la candidature Unesco : « Le phare est vraiment tout beau, tout propre ». Renforcement du chemin d'accès, reprise de pierres rongées par le sel, restauration de la chapelle... Maçons, cordistes, sculpteurs et tailleurs de pierres se sont succédé l'hiver, depuis 2019, pour un coût de 2 millions d'euros supporté par l'État et les collectivités territoriales.
En quittant Cordouan, visiblement à regret, un homme lance aux gardiens : « Vous avez une très belle résidence secondaire ! ». Une habitude pour eux : « Il y en a toujours un qui demande à rester à notre place ».
Cet article a été publié par l'AFP le 24 juillet 2021.
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Dans l'estuaire de la Gironde, Cordouan, le « roi des phares », sacré par l'Unesco
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