Carmen Thyssen tisse son réseau en Espagne

Catalogne (Espagne). Carmen Cervera est train de constituer un réseau de musées à son nom et avec ses collections dans toute l’Espagne. L’espace d’exposition « Carmen Thyssen », à Sant Feliu de Guíxols, commune où le baron Hans Heinrich Thyssen-Bornemizsa s’est éteint en 2002, va rouvrir ses portes le temps d’une exposition temporaire cet été, (créé en 2012, il avait fermé en 2020). Il sera alors transformé en ce qui sera le premier Musée Carmen Thyssen de Catalogne, dans l’enceinte du monastère de la ville. La collection permanente, issue de la collection particulière de la baronne, sera centrée sur la peinture catalane des XIXe et XXe siècles. En parallèle, le projet de création d’un musée à Barcelone renaît de ses cendres : Carmen Cervera a fait une offre pour louer le palais Marcet, siège de l’ancien Cinéma Comédie, pour exposer une autre partie de sa collection d’art catalan.

Le budget pour l’antenne de Sant Feliu de Guíxols est estimé à 12 millions d’euros et sera financé à hauteur de 5,5 millions d’euros par la mairie. 3,6 millions d’euros ont déjà été mobilisés par la Generalitat, 1,2 million d’euros par la députation de Gérone, 1,5 million d’euros du plan durabilité tourisme et 500 000 € du ministère de la Culture, ce qui couvrira la première phase par le cabinet d’architectes Nieto-Sobejano. « Dès cet été, les plaques photovoltaïques et la climatisation seront installées, puis les travaux de réhabilitation du monastère et les fouilles archéologiques suivront fin 2024 », explique Carles Motas, maire de la commune. Une campagne d’appels pour des mécènes privés va être organisée par l’ancien ministre de la Culture Ferran Mascarell, nommé conseiller général du projet. « La restauration d’un monument historique et l’accueil d’une collection d’art aussi importante sont des actions culturelles majeures pour une commune de 25 000 habitants », a-t-il indiqué au Journal des Arts. À Barcelone, dans l’attente de l’approbation définitive du projet par les propriétaires l’édifice, aucune information budgétaire n’a été communiquée.

Ces nouveaux musées s’ajouteront aux deux Musées Carmen Thyssen existants : à Malaga, depuis 2011, où une partie de la collection particulière de Carmen Cervera est exposée au palais Villalón, propriété de la mairie, gérée par sa fondation privée (Collection Carmen Thyssen-Bornemisza), ainsi qu’à la frontière espagnole, en Andorre (où la baronne vit depuis les années 1990), où sont exposées des œuvres de sa collection depuis 2017, dans l’enceinte de l’Hôtel Valira, propriété de la Principauté.

Le nouveau musée de Sant Feliu de Guíxols est conçu sur un modèle similaire, avec la fondation privée pour administrateur de la collection et une gestion coopérative avec la municipalité, propriétaire du monastère. « Il n’est pas exclu que la fondation gère le musée de manière indirecte si une autre entreprise se présente, mais la mairie sera impliquée dans tous les cas », précise Carles Motas.

Ces partenariats privés-publics sont différents du modèle du Musée national Thyssen-Bornemisza de Madrid, inauguré en 1992, géré exclusivement par la fondation publique Thyssen-Bornemisza, qui est aussi chargée de la collection de 775 œuvres d’art acquise auprès du baron Thyssen-Bornemizsa en 1993 pour 320 millions d’euros. La baronne est néanmoins très liée à la gestion de l’antenne madrilène, puisqu’elle occupe le poste de vice-présidente de la fondation publique.

Les collectivités territoriales ont tout intérêt à encourager Carmen Cervera à exposer ses œuvres sur leur territoire : sa collection particulière se compose de plus de 700 tableaux, parmi lesquels figurent des pièces précieuses de Dürer, Van Eyck, Caravage, Rubens, Rembrandt, Manet, Monet, Degas, Van Gogh, Cézanne, Munch, Kirschner, Schiele, Paul Klee, Hopper ou encore Francis Bacon, dont une grande partie est en dépôt au Thyssen-Bornemisza de Madrid. En 2023, après deux décennies de négociations, la baronne et son fils Borja Thyssen ont conclu un accord avec le ministère de la Culture leur octroyant 97,5 millions d’euros pendant quinze ans contre la prolongation du prêt à long terme des trois cents œuvres de leur collection, gérée depuis 2004 par la fondation publique.