BRUGES / BELGIQUE
Ce musée fondé au XIXe siècle abritant une collection d’arts appliqués s’est ouvert à l’histoire de la ville. Un positionnement pertinent accompagné d’une rénovation en profondeur qui a choisi de réhabiliter le style néogothique.
Bruges.« Plus est en vous ». Le motto de Louis de Gruuthuse couronne encore le portail du superbe hôtel particulier du XVe siècle de ce richissime seigneur, dont la famille possédait un lucratif monopole lié au brassage de la bière. Plus de cinq siècles après, cette devise volontariste, qui pourrait se traduire par « surpassez-vous », résonne fièrement à Bruges à l’occasion de la renaissance du Musée Gruuthuse. « Cette devise a guidé le projet de restauration de ce vaste palais urbain, confie avec un large sourire Aleid Hemeryck, la conservatrice des lieux. La municipalité avait en effet de grandes ambitions pour ce site qui était paradoxalement connu et méconnu. Beaucoup de touristes admiraient ce monument emblématique du centre-ville de l’extérieur ; en revanche, ils étaient nettement moins nombreux à pousser la porte pour découvrir ses décors et ses collections. Nous espérons que le musée sera désormais une étape incontournable pour découvrir Bruges. »
À la décharge des visiteurs, il faut reconnaître que la précédente mouture du musée n’était guère séduisante et qu’elle n’était plus en phase avec les attentes du public du XXIe siècle. Dans cette cité où l’offre patrimoniale et muséale est très riche, cet établissement, fondé au XIXe siècle à partir d’une collection d’arts appliqués rassemblée par une société savante, avait ainsi bien du mal à tirer son épingle du jeu. Pour changer la donne, la Ville a eu la judicieuse idée de repenser complètement le positionnement du Musée Gruuthuse et de remettre au goût du jour sa muséographie plus que vintage. Les collections extrêmement variées, allant des chaussures médiévales aux tapisseries en passant par les pièces d’orfèvrerie, la dentelle ou les chefs-d’œuvre de corporations, ont ainsi été totalement remises en perspective pour inventer un nouveau musée consacré à l’histoire de la ville. Un positionnement plus que pertinent car cette destination qui attire chaque année près de huit millions de touristes, aimantés par son patrimoine et donc son histoire, ne disposait pas jusqu’à présent d’un espace remplissant cette fonction. À l’exception d’une petite salle logée dans le beffroi et de l’Historium, un lieu à mi-chemin entre le centre d’interprétation et l’attraction en réalité augmentée.
En lieu et place des interminables séries d’objets classés par typologie, un parcours beaucoup plus aéré et transversal retrace dorénavant le destin de cette cité en trois grands chapitres. Ce circuit fait le pari de la lisibilité et de la pédagogie avec un accrochage considérablement allégé et un propos clarifié. Chacun des trois niveaux est ainsi dévolu à une période cruciale de l’histoire de Bruges : le siècle d’or bourguignon, c’est-à-dire le XVe siècle ; la période fondamentale mais plus confidentielle des XVIIe et XVIIIe siècles ; et enfin le XIXe siècle et le mouvement néogothique, qui a donné à la cité sa physionomie actuelle. Moins nombreux, les objets sont davantage mis en exergue à travers une muséographie contextuelle. Un souci didactique que l’on retrouve dans les nombreux dispositifs de médiation, en particulier numérique, qui se fondent parfaitement dans cet écrin remarquable sans dénaturer son charme pittoresque.
L’autre enjeu du chantier était le bâtiment lui-même, qui nécessitait une restauration de fond en comble. Il aura ainsi fallu un lustre pour rénover les toitures et le belvédère, stabiliser les sols, remplacer les gouttières et les menuiseries, mais aussi restaurer les façades, les vitraux et les décors peints. Certains espaces ressortent d’ailleurs transcendés de ces travaux, à l’instar de l’oratoire. La petite chapelle qui relie l’église Notre-Dame au palais et offre une vue imprenable sur l’intérieur du lieu de culte a ainsi bénéficié d’une véritable cure de jouvence. Autre exemple, l’attique, qui depuis soixante-dix ans servait de réserve, a fait l’objet d’une restauration d’envergure et d’une restitution de bon aloi de son décor néogothique.
Le projet du nouveau musée fait en effet clairement la part belle à l’état XIXe du palais, revalorisant au passage les interventions radicales de Louis Delacenserie (1838-1909). Un architecte, par ailleurs membre de la Société d’archéologie à l’origine de la création du musée, surnommé le Viollet-le-Duc flamand. Car, à l’image de son illustre confrère, Delacenserie s’est illustré par des restaurations maximalistes, y compris ici où il a massivement gommé les éléments ultérieurs au gothique tardif et où il a, entre autres, ajouté une loggia et un magnifique plafond sculpté.
En remettant fortement en valeur les apports néogothiques et notamment ce plafond, qui a retrouvé sa vive polychromie, le musée réhabilite ouvertement ce style longtemps controversé ; sans toutefois céder au pastiche. À la surprise générale, le musée a en effet opté, concernant sa nouvelle entrée, pour une structure métallique sobre mais résolument contemporaine. Un choix audacieux venant d’une cité que l’on critique parfois pour son aspect de ville-musée.
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Bruges se raconte dans son nouveau Gruuthusemuseum
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°525 du 7 juin 2019, avec le titre suivant : Bruges se raconte dans son nouveau Gruuthusemusem