La gestion du Musée national de l’automobile de Mulhouse devrait être confiée à une société privée. Cette décision démontre la difficulté de certaines collectivités territoriales ou associations à assumer la charge d’un musée.
PARIS - Dans notre pays, le fonctionnement des musées semble devenir “une exception française” de plus, peut-être en voie de disparition. L’idée d’un musée, institution subventionnée dont la rentabilité n’est pas exigée, paraît être de plus en plus mal acceptée. Le nombre d’entrées, longtemps assimilé à un indicateur de la démocratisation de la culture, est devenu celui de la rentabilité. Certains musées se meurent faute d’une bonne communication et d’un manque d’intérêt pour le public, parfois en raison d’un engagement trop restreint du propriétaire. Dans ce contexte, les sociétés privées seraient parfois mieux aptes à assurer leur fonctionnement. Le cas du Musée Jacquemart-André, à Paris, semble exemplaire : la gestion de ce lieu, autrefois en état de survie, a été confiée en 1996 à Culture Espaces, filiale de Suez-Lyonnaise des Eaux. Celle-ci annonce aujourd’hui 200 000 visiteurs par an, ce qui a permis à l’Institut de France, propriétaire du musée, de percevoir l’an dernier une redevance de 800 000 francs. Aujourd’hui, le Musée national de l’automobile de Mulhouse se trouve dans la même situation. À la suite d’une forte baisse de la fréquentation, le maire a pris la décision d’en confier la gestion à Culture Espaces.
L’histoire du Musée de l’automobile de Mulhouse est celle d’une faillite. En 1977, l’empire textile des frères Hans et Fritz Schlumpf, qui avaient constitué dans un demi-secret une collection de plus de 400 voitures, s’effondre. Lors du dépôt de bilan, les ouvriers de l’usine la découvrent et la présentent au public jusqu’en 1979. Classée au titre des Monuments historiques en 1978, elle est achetée en 1981 pour 44 millions de francs par une association réunissant la Ville de Mulhouse, les Conseils général et régional, mais aussi l’Automobile Club de France et Panhard & Levassor, qui ouvre le musée en 1982.
Depuis, le musée a vu sa fréquentation divisée par deux et sa situation financière se détériorer, l’année 1998 se soldant par un déficit de deux millions. La Ville de Mulhouse lui a accordé trois millions en avance de trésorerie, mais son directeur Patrick Garnier estime que le musée, autofinancé à 85 %, qui “a attiré dans la région six millions de visiteurs”, n’est pas à proprement parler un gouffre financier. Néanmoins, l’association en charge de la gestion, présidée par le maire de Mulhouse Jean-Marie Bockel (PS), a décidé de transférer une partie de ses compétences à Culture Espaces. Le contrat devrait être signé le 21 mai, et s’étendre dans un futur proche au Musée du chemin de fer. La société qui, selon son président Bruno Monnier, oppose à la “frilosité” institutionnelle la “modernité” d’une gestion privée, devrait donc être chargée de la billetterie, de l’organisation des visites et des événements. L’association propriétaire garde la conservation des collections. Dans les faits, Culture Espaces obtient une concession pour quinze ans, en échange d’une redevance annuelle. Estimée à un million de francs (7,5 % des recettes), celle-ci devrait permettre de couvrir les frais d’entretien du bâtiment et de la collection.
Le musée, qui doit bénéficier d’aides importantes de l’État et des collectivités locales (150 millions), verra sa muséographie réorganisée. Culture Espaces, qui apportera également des fonds, assure que les salariés seront réengagés et les activités culturelles poursuivies. D’une manière générale, il serait souhaitable que l’État définisse rapidement une charte de service public pour les établissement culturels. Elle viendrait utilement compléter le contrôle de la Direction des Musées de France sur les musée classés et contrôlés.
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Biens publics, gestion privée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°83 du 14 mai 1999, avec le titre suivant : Biens publics, gestion privée