PARIS [14.01.16] - Après la restauration de la Sainte Anne qui a suscité une controverse puis celle de La belle Ferronnière, le Louvre ne laisse rien au hasard pour présenter la restauration du Saint Jean-Baptiste de Léonard de Vinci.
A l'heure de présenter à la presse la restauration à venir du Saint Jean-Baptiste, le Louvre prend ses précautions. L'intervention sur des œuvres de Léonard de Vinci est un sujet sensible pour le musée. « Il y a une grande pression médiatique », reconnait Sébastien Allard, directeur du département des peintures. Car la restauration des œuvres de celui que beaucoup reconnaissent comment le peintre le plus génial de tous les temps divise régulièrement les spécialistes, et ces débats ne manquent pas d'être relayés par la presse.
En 2011-2012, la restauration de la Sainte Anne avait cristallisé les débats, opposant les partisans d'un allégement de vernis prononcé et ceux le souhaitant beaucoup plus modéré. Ségolène Bergeon-Langle, ancienne directrice du service de restauration des peintures des musées nationaux et de l'Ifroa (actuel Institut national du patrimoine) avait trouvé que cette intervention ne respectait pas le principe de précaution. La restauration achevée, elle avait jugé que le visage de la Vierge avait perdu du modelé, un avis pas partagé par tous. Et elle avait considéré avec autant d'inquiétude la restauration à venir de La belle Ferronière, une opération achevée en 2015 qu'elle considère aujourd'hui comme réussie, car « modérée dans ses allégements », comme elle a pu l'expliquer au Journal des Arts.
« Prudence et pragmatisme, c'est notre doctrine », explique Sébastien Allard, qui le 12 janvier avait convié quelques journalistes pour expliquer les tenants et les aboutissants de la restauration du Saint Jean-Baptiste. Les journalistes s'étaient engagés à ne rien divulguer de l'opération avant le 14 janvier pour ne pas troubler les discussions devant se dérouler le 13 janvier, lors de la réunion de la commission de restauration et de conservation préventive qui donne deux fois par an un avis consultatif sur les restaurations proposées par les départements du Louvre.
Le tableau sera retiré d'ici la fin du mois de janvier des cimaises de la grande galerie. Sur cette figure à mi-corps émergeant d'un fond sombre, on ne distingue presque pas la peau de bête que revêt le saint et la croix qu'il semble tenir. Selon Sébastien Allard, la lumière à laquelle a été soumis le tableau durant les études donne à penser que le crucifix était placé dans une légère pénombre mais baigné d'une lumière subtile qu'on ne perçoit plus. « Il faut alléger le vernis pour retrouver la lisibilité du tableau », déclare-t-il. Si la dernière restauration de l'oeuvre remonte au XIXe siècle, de nombreuses couches de vernis ont été ajoutées (de manière pas toujours documentée) sur une peinture aux tons naturellement sourds pour « donner de la profondeur à l'oeuvre ». Des vernis entre lesquels s'est inséré de la crasse, qui se sont oxydés, ont jauni, bruni...
Regina Moreira a été choisie pour effectuer cet allègement, en collaboration avec le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF). Un « excellent choix », selon Ségolène Bergeon-Langle car cette restauratrice a notamment restauré en 2014 la Bethsabée au bain de Rembrandt « en travaillant d'une façon très subtile, ne nettoyant pas trop et en conservant à l'oeuvre son moelleux ». Une commission internationale d'experts, d'un peu moins d'une dizaine de personnes, en cours de constitution, suivra le chantier. « Elle sera consultative mais n'aura rien d'une chambre d'enregistrement », promet Sébastien Allard, précisant que tous les spécialistes de Léonard pourront venir voir de plus près la restauration qui pourrait faire beaucoup évoluer la connaissance de l'oeuvre. Celle-ci permettra peut-être de savoir si le dessin « un peu sec du bras et de la main » est le résultat d'un nettoyage trop agressif effectué au XVIe ou au XVIIe siècle ou d'un état d'inachèvement voulu par Léonard.
Enfin, si une exposition sur Léonard de Vinci est prévue au Louvre dans les années à venir, le musée assure que « restaurer la Joconde n'est pas d'actualité ».
Léonard de Vinci (1452-1519), Saint Jean-Baptiste (c. 1513-1516), 69 x 57 cm, collection Musée du Louvre, Paris - Photo prise en 2009 avant la restauration © Musée du Louvre, dist. RMN - Grand Palais / Photographe Angèle Dequier / Courtesy photo Musée du Louvre