Le 29 août, vous lanciez un débat public sur le choix du prochain directeur de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris [paru sur le site www.artclair.com sous le titre « Les candidats à la direction de l’École des beaux-arts sortent du bois » (1)].
Passant en revue les candidats plus ou moins officiels, ou non, l’article, signé Roxana Azimi, relayait notamment les réserves qui auraient été émises (anonymement) par une partie du corps enseignant de l’École à propos de la candidature de Nicolas Bourriaud, cofondateur du Palais de Tokyo et actuel chef de l’inspection à la création artistique.
L’argument choc ? « Un directeur d’école doit être bienveillant, accepter toutes les approches. Et c’est difficile d’avoir été engagé, comme Bourriaud l’a été, notamment contre certaines formes artistiques, et de devenir soudain bienveillant. » Là, j’ai littéralement bondi ! Ainsi l’engagement serait-il, dans le champ artistique, le contraire de la bienveillance ? Mais c’est tout le contraire ! Exprimer ses choix avec clarté et conviction, se mettre totalement au service des artistes que l’on défend, expliciter les enjeux de leur pratique pour les rendre accessibles au public le plus large, voilà justement l’essence même de toute relation intime avec l’art. Fort heureusement, beaucoup de critiques, galeristes, conservateurs ou collectionneurs sont fortement engagés. Cet engagement n’est pas l’ennemi de l’intérêt général, mais la condition première d’une organisation démocratique du débat artistique pluraliste que beaucoup appellent, ici et notamment dans ce cas précis, de leurs vœux. Oui, on peut être engagé et responsable, avoir des convictions personnelles et le sens du collectif.
Il serait absurde de multiplier les exemples, il suffit ici de n’en citer qu’un seul : Pontus Hultén, le premier directeur du Musée national d’art moderne (1973-1981), qui fut aussi le fondateur à Paris, aux côtés notamment des artistes Buren et Sarkis, d’une exemplaire école d’art, l’Institut des hautes études en arts plastiques. [Dans le JdA no 201], en octobre 2004, la même journaliste soulignait d’ailleurs l’engagement systématique de Pontus Hultén aux côtés de certains artistes, les qualifiant de « compagnons de route », quand lui-même assumait le terme de « tribu ».
Si Nicolas Bourriaud a bien fait la preuve de son profond engagement en faveur de concepts et d’artistes depuis 1990, il a aussi fait depuis celle de son sens des responsabilités et de l’ouverture. Ni l’ancien Palais de Tokyo, ni l’actuelle direction de la création artistique ne peuvent passer pour des antres sectaires ou des citadelles impénétrables. Je le dis d’autant plus sereinement que, personnellement, mes choix artistiques ont quasiment toujours été parfaitement divergents des siens… Je peux d’ailleurs témoigner que l’engagement de Nicolas Bourriaud s’est toujours manifesté « en faveur » et non pas contre.
Toutes les candidatures évoquées pour la direction de l’École nationale supérieure des beaux-arts sont légitimes, tous les projets qui s’y rattachent doivent être examinés et discutés avec soin. Toutes, y compris celle de Nicolas Bourriaud ! Car, parmi ses qualités, trois au moins me paraissent indispensables au futur directeur de l’établissement : l’envergure intellectuelle, l’expérience et un sens aigu de la transmission.
(1) Lire l'article de Roxana Azimi, Les candidats à la direction de l'Ecole des beaux arts sortent du bois.
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Stéphane Corréard, expert en art contemporain : Plaidoyer
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°354 du 7 octobre 2011, avec le titre suivant : Stéphane Corréard, expert en art contemporain : Plaidoyer