Décidément, en matière de propriété intellectuelle et artistique, le street art n’a pas fini de faire bouger les lignes.
La polémique autour de la restauration d’une œuvre de Banksy en fournit un nouvel exemple. Au cœur du débat, une fresque réalisée au ras de l’eau par l’artiste britannique, sur le mur d’un palais du quartier du Dorsoduro, à Venise. On y voit une petite fille, vêtue d’un gilet de sauvetage, portant une torche à la manière d’une statue de la Liberté du XXIe siècle. Peinte en 2019 pour dénoncer le sort subi par les migrants en Méditerranée, cette œuvre est rapidement devenue une attraction pour les touristes qui viennent, en bateau, la prendre en photo. Las, attaqués par l’eau et le sel, les couleurs et le dessin s’effacent progressivement. Le sous-secrétaire d’État italien à la culture a donc décidé de lever des fonds pour tenter de le restaurer, déclenchant l’ire des street artists.
À première vue pleine de bonnes intentions, - Cette initiative soulève en effet des questions sur le droit moral de l’artiste, lié au respect de son œuvre et de sa création. Théoriquement, on ne peut toucher à l’œuvre d’un artiste vivant sans son consentement. Évidemment, dans le cas de Banksy, les choses se compliquent, puisque ce dernier a fait de l’anonymat sa marque de fabrique (même si son identité est aujourd’hui un secret de polichinelle). Autre difficulté, commune à bien des œuvres de street art, le support n’appartient pas à l’artiste. Selon les autorités italiennes, la fresque ayant été produite de manière illégale, l’auteur n’aurait pas son mot à dire, ce qui est factuellement faux, car le droit moral de l’artiste est inaliénable et imprescriptible, quelles que soient les circonstances. Enfin, dernier point sensible, toute restauration doit théoriquement être réalisée en respectant l’intention de l’artiste. Or, on connaît le caractère éphémère de l’art de Banksy. Le fait que ses œuvres puissent être endommagées ou effacées constitue un aspect intrinsèque de son message. On se souvient d’ailleurs que, en 2018, La Fille au ballon s’était partiellement autodétruite juste après avoir été adjugée 1,2 million d’euros à Londres, chez Sotheby’s, l’artiste souhaitant ainsi dénoncer la marchandisation de son art.
Alors, faut-il sauver la petite fille de Banksy ? - Normalement non, si l’on s’en tient au droit. À moins que des enjeux d’ordre financier ne viennent à sa rescousse. Étant donné les sommes très élevées que les amateurs sont prêts à payer pour une œuvre du street artist, il y a fort à parier que celle-ci sera sauvée des eaux. Un paradoxe terrible compte tenu du sujet représenté.
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Faut-il sauver la petite fille de Banksy ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°769 du 1 novembre 2023, avec le titre suivant : Faut-il sauver la petite fille de Banksy ?