De toute part pleuvent des critiques sur la marchandisation de l’art contemporain.
Deux types d’accusations émergent des censeurs, dont beaucoup se sentent laissés pour compte : l’afflux d’argent pervertirait la création et cet afflux serait accaparé par un petit nombre d’artistes et de galeristes. Ces condamnations sont caractéristiques d’une époque qui manque d’esprit de recul.
Le reproche de perversion sous-entend que c’était mieux avant, mais de quel « avant » s’agit-il ? Celui des peintres bohèmes du XIXe ou des étrangers de l’École de Paris ? Ces artistes, tels Van Gogh ou Modigliani , qui aujourd’hui valent des fortunes, vivaient dans l’inconfort. La création n’aurait de valeur que dans le dénuement ? Faut-il regretter les années 1970-1980, où l’art contemporain n’intéressait qu’un petit groupe de spécialistes, ne se montrant que dans quelques lieux confidentiels ? De plus en plus d’amateurs fortunés ont commencé à acheter de l’art contemporain dans les années 1990, et comme les riches sont aussi de plus en plus nombreux, un argent considérable alimente l’écosystème. Certes il n’irrigue pas uniformément toute la filière, mais contribue à entretenir l’intérêt pour l’art contemporain et donc les politiques publiques en la matière. Il y a aujourd’hui en France une centaine de centres d’art, de Fonds régionaux d’art contemporain, de musées spécialisés, sans compter les expositions ou installations dans les sites patrimoniaux. Tous les artistes ne se valent pas, mais il importe que chacun ait la possibilité de montrer son travail pour laisser le public, les critiques, les marchands porter un jugement. Qui peut nier la formidable multiplicité des expressions artistiques en ce début de XXIe siècle ?
Le second reproche, celui sur le « formatage », résiste peu aux chiffres. Dans le précédent numéro, nous indiquions que 82 artistes étaient exposés sur deux stands à Art Basel, et quatre sur quatre stands. Quatre sur les milliers d’artistes présentés à Bâle. Peut-on alors vraiment parler de « matraquage » ? De même dans ce numéro, deux universitaires montrent qu’en dehors d’Art Basel, de la Foire internationale d’art contemporain et de Frieze, qui partagent de 20 à 30 % de galeries communes, la diversité est plutôt de mise dans les autres foires européennes.
Même si l’on peut regretter des dérives, s’agacer de l’ostentation de certains collectionneurs, s’indigner de la cote de Jeff Koons, s’inquiéter de la recomposition en cours du réseau de galeries, la profusion actuelle est autrement plus profitable à la création que la situation qui prévalait « avant ».
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Ce n’était pas mieux avant
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°504 du 22 juin 2018, avec le titre suivant : Ce n’était pas mieux avant