« J’ai lu quelque part qu’un bon dessinateur doit pouvoir dessiner quelqu’un qui tombe d’une fenêtre. Très lent, j’arrive toujours trop tard, il ne reste que le cadavre à dessiner. D’ailleurs les modèles qui acceptent de poser dans ces conditions sont hors de prix. »
À en croire l’un de ses aphorismes plein d’humour, ce serait donc par manque de moyens que Louis Pons, « peintre, assembleur, poète, dessinateur », puiserait ses modèles dans son imaginaire plutôt que d’aller les chercher dans la rue. L’artiste en convient : « Je suis l’homme des greniers, des couloirs, de l’alcôve et de l’ombre, des taillis, de la combe, des faille [sic] et des gouffres. Jamais l’homme de la rue. » Et que trouve-t-on au milieu des greniers traversés par Louis Pons ? Des créatures aux yeux si globuleux qu’ils apparaissent cent fois trop grands au centre de têtes hydrocéphales. Dans les taillis ? Des volatiles s’accouplant sous l’œil macabre d’une mante religieuse. Mort d’un insecte ou Mort d’un oiseau… La mort, sans aucune explication, habite l’œuvre de Pons. Dans les couloirs de ses appartements d’inquiétantes vénus callipyges pondent des œufs d’où sortiront des monstres, tandis qu’au fond du jardin la combe digère une nuée d’animaux rassasiés d’un repas de viscères…
Louis Pons, artiste discret sans étiquette, est un sacrément bon dessinateur. Né en 1927 à Marseille, il apprend un métier, ajusteur, qu’il n’exercera jamais. À la place, il acquiert une presse de graveur sous laquelle il s’initie au trait, en autodidacte. Puis la feuille, moins chère, remplace le cuivre ; la plume, la pointe sèche. Pons réalise dans les années 1950 et 1960 pas moins de deux mille dessins à l’encre de Chine. Puis viennent les « troubles visuels », comme le dit la biographie officielle de l’artiste. Il abandonne alors la plume pour l’assemblage. Un temps, heureusement, car il la reprendra dans les années 2000. Aujourd’hui, Pons prolonge son œuvre à travers des dessins certes plus anecdotiques, plus illustratifs aussi, que ceux de sa « première » période, puissante, où suinte l’impérieuse nécessité de créer. Mais l’on y sent encore le souffle de Seghers, Bresdin, Soutter et Wols, « les quatre grands prêtres de [sa] religion individuelle ». On est converti en sortant de son exposition ruthénoise.
« Louis Pons, la plume est le dard du dessinateur »
Musée Fenaille, Rodez (12), www.laplumeestledarddudessinateur.com, jusqu’au 30 octobre 2011.
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Louis Pons, dessinateur discret et hors pair
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°638 du 1 septembre 2011, avec le titre suivant : Louis Pons, dessinateur discret et hors pair