La photographie en noir et blanc semble comme sortie d’un film muet. Philippe Ramette pose en costume sombre, œil clair, longue main tenant une cigarette devant son visage déjà mince et un rien mélancolique. Le cliché date de 1986 et l’artiste en dandy porte poliment un arrosoir sur la tête, annoncé comme un Réceptacle d’émanations divines.
Il a vingt cinq ans, a quitté Dijon puis les beaux-arts de Mâcon pour la Villa Arson à Nice et s’apprête à prendre congé de la peinture. Ce qu’il fait l’année suivante en fixant à la verticale sa propre mobylette sur une frêle croix de bois. Un acte qui, selon l’aveu même de Ramette, marque le début de son travail et formule l’arrêt d’une pratique pour laquelle le jeune Dijonnais se juge alors poussif. Christian Bernard, à la tête de la Villa, diagnostique d’emblée « un nouveau rêveur définitif » doublé d’un « ergonome pataphysicien ».
Piercing, béquilles, prothèses
La suite lui donne raison et la photo à l’arrosoir comme la crucifixion de son deux-roues balisent déjà quelques ingrédients à venir. Le sobre costume, la logique aussi pragmatique qu’absurde des objets, le corps de l’artiste partie prenante du travail, voilà quelques-uns des éléments qui codifient désormais son travail. Ramette invente, bricole des accessoires parfaitement rationnels pour lesquels il suggère un usage loufoque et mène dès lors sculpture et mises en scènes photographiques de front. Piercing pour un arbre, béquilles de nouveau-né, ou prothèses à glisser dans le costume pour prendre la pose, l’artiste s’en remet absolument à l’objet.
Celui qui défend fermement le droit à l’inactivité confesse d’emblée une certaine lenteur à la tâche. La voix change sans cesse de rythme, revient sur chaque mot, rectifie, rature, s’excuse et s’inquiète de dire juste et moins pessimiste que ce qu’on lui prête. « En fait, corrige-t-il, j’ai besoin d’un long temps de gestation, mais je travaille vite une fois que tout est réglé intérieurement. » Il corrige encore : « Mais pas systématiquement. » Ou le doute comme méthode de travail, décidément rétif à tout catéchisme.
C’est pourtant à une classification inappropriée que celui qui s’est « toujours considéré comme sculpteur » doit l’élargissement de son public. À cette photographie qui le saisit, contemplatif, suspendu dans le vide, en lévitation verticale ou encore lesté par un socle de béton au fond de l’eau. Et comme s’il devait mériter ses propres images, Ramette corse un peu l’inconfort des postures et les efforts physiques consentis.
Depuis quelques années les séries se font plus ambitieuses. Les éditeurs empruntent, les magazines, publicités et affichistes s’inspirent. Combien d’appareillages, de balcons, de fils improbables de Caspar David Friedrich et de Buster Keaton manifestement inspirés de l’univers singulier de Ramette ? Les images poétiques, immédiates, irrésolues séduisent. Et lui, Ramette, qui se méfie comme de la peste du lyrisme et de l’excès de poésie, est dans l’air du temps. « Mon travail m’échappe peut-être un peu », admet-il tout en reconnaissant qu’il lui est difficile de s’en plaindre. Et comme une pirouette, en profite pour revenir au cher objet. À Chamarande, il gonfle les volumes d’une échelle qu’il adosse aux murs du château, qui devrait à son tour et par un effet de relativité « gagner en humilité ».
1961 Naissance à Auxerre. 1985-1989 Étudiant à la Villa Arson, à Nice. 1991 Première exposition personnelle à la Villa Arson. 1995 Exposition au Frac Champagne-Ardenne. Participe à l’exposition « Ripple across the Water » au Watari Museum à Tokyo. 2001 Première exposition à la galerie Xippas. 2002 Passe et obtient son brevet de plongée sous-marine. En 2006, il réalisera la série : Exploration rationnelle des fonds sous-marin. 2007 Exposition au domaine départemental de Chamarande. Parallèlement, il prépare une exposition au Mamco à Genève prévue en 2009. Vit et travaille à Paris.
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Philippe Ramette
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°595 du 1 octobre 2007, avec le titre suivant : Philippe Ramette