Yahya et Qotbi, la sculpture diapositive

C’est un « art qui accepte la matière des lettres réduites et devenues simplement elles-mêmes et qui les dépasse pour mouler dans leur bloc des œuvres cohérentes ». Pour autant, les dix-sept pièces réunies sous le titre « Lumière invisible » excèdent le projet d’Isidore Isou dans leur dévouement formel. Yahya, le dinandier autodidacte tombé de la tour de Babel, prête à l’arabe, qu’il ne parle pas, ses martelages. Qotbi, qui résout dans sa peinture l’ardue synthèse des arts traditionnels de l’Islam et de l’abstraction occidentale, donne à l’Ima l’ « imprévisible mouvement moléculaire » que Restany aimait chez lui. Ainsi les volumes et reliefs concoctés à quatre mains ont tout d’une calligraphie trempée d’acier inoxydable et de laiton.

C’est une erreur pourtant de les regarder comme telle. Leurs entrelacs imitent une écriture, mais sont orphelins d’une langue : ils ne se lisent ni ne se disent. Malgré tout, ils pensent ou du moins réfléchissent. Leur intelligence et leur cohérence précisément ne sont pas dans leurs blocs, mais dans leurs ombres. Certaines d’entre elles irradient le pavillon mobile de projections indéchiffrables. La lumière, dont la source n’est pas toujours connue, est moulée dans chaque volume. Ce n’est pas tant l’objet qui compte que sa capacité à propager des formes dans un rayon donné. Yahya et Qotbi ont avec leurs immobiles inventé la sculpture diapositive.