Tourcoing (59)

Des fantômes en hommage à Aby Warburg

Le Fresnoy - Jusqu’au 30 décembre 2012

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 9 novembre 2012 - 333 mots

« Comment va le monde, Môssieu ? Il tourne Môssieu ! », s’interrogeait et s’exclamait tout à la fois l’auteur dramatique François Billetdoux en 1964 dans une pièce créée au théâtre de la Colline.

L’écrivain y mettait en scène deux compagnons échappés d’un camp de concentration, héros d’un grand western métaphysique, en quête du rêve américain. Près de cinquante ans plus tard, Georges Didi-Huberman, philosophe et anthropologue [lire portrait p. 28], considérant la figure mythique d’Atlas, s’est interrogé à sa manière sur « Comment porter le monde sur son dos ? » Point commun à ces deux aventures, l’idée d’embrasser l’espace et la tentative dans l’unicité temporelle d’une (re)présentation d’inviter le spectateur à l’expérience d’une épopée.

L’exposition que Didi-Huberman a conçue pour Le Fresnoy fait suite à trois variantes antérieures, successivement présentées à Madrid, à Karlsruhe et à Hambourg. Elle procède en quelque sorte de l’association d’une campagne de photographies prises par Arno Gisinger de ses précédentes expositions et d’une quarantaine d’extraits de films projetés, les uns cultes, les autres non, aux motifs d’« histoires de fantômes pour grande personne ». De cette association, il résulte une double expérience mémorielle et sensible d’autant que les projections occupent le sol de la grande nef en une sorte de montage-collage visible notamment en plongée depuis les coursives.

Aux dires du commissaire de l’exposition lui-même, sa démarche est un hommage contemporain à l’œuvre d’Aby Warburg, célèbre historien de l’art, fondateur de l’iconologie, une méthode d’analyse qui consiste, selon ce dernier, à « opérer une décomposition [de l’œuvre] qui en fera apparaître clairement l’hétérogénéité matérielle ou essentielle ». La sorte de gigantesque planche d’atlas que Didi-Huberman a imaginée appartient tant à l’idée de « grand livre » de l’histoire de l’humanité qu’à celle de « musée imaginaire ». Dans tous les cas, le monde y est rendu à l’état d’une invasive et singulière fresque animée.

Voir « Histoire de fantômes pour grandes personnes »

Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains, 22, rue du Fresnoy, Tourcoing (59), www.lefresnoy.net

Voir la fiche de l'exposition : Histoire de fantômes pour grandes personnes

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°652 du 1 décembre 2012, avec le titre suivant : Des fantômes en hommage à Aby Warburg

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