Nouveaux doutes sur l’authenticité de La Vierge au Rocher de la National Gallery

Par Cléo Garcia · lejournaldesarts.fr

Le 12 décembre 2014 - 538 mots

LONDRES (ROYAUME-UNI) [12.12.14] – L’attribution à Léonard de Vinci de la version de La Vierge au Rocher conservée à la National Gallery de Londres est une nouvelle fois remise en question. Une publication met en évidence que les éléments végétaux et minéraux du tableau ne s’inscriraient pas dans les habitudes de représentation du maître florentin.

Les jonquilles ont peut-être vendu la mèche : une nouvelle recherche publiée par l’historienne de l’art et géologue Ann Pizzorusso expose la théorie selon laquelle des approximations dans la représentation des plantes de la version de La Vierge au Rocher (1483-86) par Léonard de Vinci conservée à la National Gallery de Londres trahissent la non-authenticité de cette œuvre.

De nombreuses erreurs démentiraient en effet que le tableau soit de la main du maître florentin, bien connu pour être un fin observateur d’une nature qu’il dépeint avec une précision quasi-scientifique, rapporte le Guardian. Ann Pizzorusso affirme, expertise de botanistes et de géologues à l’appui, que la version conservée au Musée du Louvre présente au contraire une végétation parfaitement naturaliste, là où celle de la National Gallery arbore toutes sortes de plantes fantaisistes, sorties tout droit de l’imagination humaine. Les rochers non plus ne seraient pas réalistes d’un point de vue géologique, argumente Ann Pizzorusso.

« La végétation du Louvre est parfaite, présentant des plantes semblant avoir poussé dans une grotte humide et sombre », explique l’historienne Pizzorusso dans le Guardian. « Mais les plantes de la version de Londres sont inexactes. Certaines n’existent même pas dans la nature et d’autres représentent des fleurs dotées d’un nombre de pétales trop au pas assez important » écrit-elle dans son travail de recherche intitulé Tweeting da Vinci. « Il est invraisemblable que ce soit la même personne qui ait peint des formations rocheuses de manière si fidèle à la nature dans l’œuvre du Louvre et de manière si incongrue dans celle de la National Gallery, surtout lorsque l’on considère la fidélité de Leonardo à la nature » ajoute-t-elle. « Il n’y a absolument rien, dans l’ensemble de son œuvre, qui n’est pas fidèle à la nature ».

L’horticulteur John Grimshaw abonde dans son sens : les plantes du tableau de Londres, semblables à des jonquilles, « vont à l’encontre de tout ce que Léonard a fait en termes d’art botanique ».

De son côté la National Gallery explique ainsi ces différences : « La version du Louvre tient sa saveur spirituelle de son réalisme absolu tandis que le tableau de Londres dépeint un monde idéal ».

La théorie d’Ann Pizzorusso ravive un débat de longue date sur l’attribution de ce tableau au maître florentin : la National Gallery pensait depuis des décennies que cette œuvre était de la main de disciples du maître, mais après une restauration de l’œuvre en 2010 est apparue l’hypothèse selon laquelle Léonard aurait pu la peindre dans son intégralité. Les erreurs constatées dans la végétation posent une nouvelle fois la question. Le spécialiste de la Renaissance Charles Hope estime que « si la végétation est fantaisiste dans une œuvre et non dans l’autre, nous pouvons en tirer quelques conclusions ». Il juge également improbable que Léonard de Vinci ait peint deux versions de la Vierge au Rocher et privilégie la thèse d’une copie.

Légende photo

Léonard de Vinci, La Vierge aux rochers, 1483-1486, version conservée à la National Gallery à Londres

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