Histoire de l'art - Livre

XVIIIe siècle : et la couleur fut !

Par Marion Krauze · Le Journal des Arts

Le 30 octobre 2024 - 329 mots

Le XVIIIe siècle nous fait entrer dans un monde de couleurs : parce qu’il les conçoit, les fabrique, commercialise, nomme, désire.

 » Dans ces quelques mots, Aurélia Gaillard résume la thèse qu’elle développe tout au long de son essai : celle selon laquelle le siècle des Lumières serait l’âge d’or de la couleur par excellence, celui de son apparition. Une « invention » qui s’entend dans le sens d’un nouveau regard porté sur les couleurs qui, pour la première fois, se conceptualisent. Que ce soit dans l’art, la mode, les sciences ou bien la littérature, la couleur change de sens. Elle vaut désormais pour elle-même, s’éloigne de la valeur symbolique qu’elle revêt depuis l’Antiquité pour laisser primer sa fonction esthétique et expressive.

C’est donc en adoptant une approche transdisciplinaire qu’Aurélia Gaillard explore le sujet. Professeure de littérature française du XVIIIe siècle à l’université Bordeaux-Montaigne, elle se concentre en premier lieu sur l’évolution de la notion de couleur dans les écrits, examinant aussi bien les discours antiques sur la vision que les débats philosophiques, artistiques et scientifiques qui se multiplient à partir des années 1670. Point particulièrement intéressant de son analyse : son incursion dans les contes littéraires du XVIIIe siècle, où le foisonnement de couleurs contribue à la création d’un cadre féérique, mais participerait aussi à la mise en scène de relations de pouvoir au sein du récit.

En mettant l’accent sur ce changement de paradigme, Aurélia Gaillard souligne la manière dont les couleurs chatoyantes et audacieuses s’immiscent peu à peu dans le quotidien d’une société qui entretient une « culture des apparences », tournée vers la consommation, le luxe et la mode. Si certaines teintes sont incontestablement privilégiées – à l’image du rose –, tout un nuancier de couleurs se développe, et cette diversification sans précédent suscite une grande inventivité dans le vocabulaire qui les désigne. Une belle plongée dans l’univers savant et bigarré du siècle des Lumières, qui perçoit désormais le monde sous le prisme de la nuance et du sensible.

L’invention de la couleur par les Lumières. De Newton à Goethe, Aurélia Gaillard,
Les Belles Lettres, 330 p., 27 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°642 du 1 novembre 2024, avec le titre suivant : XVIIIe siècle : et la couleur fut !

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