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Xavier Salmon : « Quentin de La Tour a le secret de saisir l’étincelle de la vie »

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 25 juin 2024 - 525 mots

Comment avez-vous « rencontré » Maurice Quentin de La Tour ?

Lorsque j’ai été nommé conservateur à Versailles, en charge des collections de peintures du XVIIIe siècle et du cabinet d’arts graphiques en 1993, j’ai découvert un très beau pastel de La Tour, portrait d’un homme au visage tout rond, extrêmement vivant. Le contact s’établit immédiatement avec le modèle. Il m’a rappelé une remarque des frères Goncourt au sujet de la collection du Musée des beaux-arts Antoine-Lécuyer, à Saint-Quentin, qui conserve l’ensemble des préparations restées en la possession de La Tour : en entrant dans ce musée, où vous êtes soudain entouré de visages si expressifs aux regards si vifs, vous avez l’impression que « toutes ces têtes se tournent comme pour vous voir, tous ces yeux vous regardent, et il vous semble que vous venez de déranger dans cette grande salle, où toutes les bouches viennent de se taire, le XVIIIe siècle qui causait » !

Que savons-nous de l’homme qu’était La Tour ?

Il se livrait beaucoup dans sa correspondance, et ses contemporains, fascinés sa personnalité autant que par son art, l’ont abondamment décrit, de sorte que nous connaissons assez bien sa personnalité. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, cet homme qui a, dit-on, une relation très directe avec la famille royale et ne cache guère ce qu’il pense est très attachant. Homme de salons, de réseaux, conscient de son talent, il sait qu’il a le secret de saisir l’étincelle de la vie, en particulier à travers les yeux. Mais il est aussi un artiste très tourmenté. Il cherche la perfection, au point de reprendre un certain nombre de pastels à la fin de sa vie.

Pourquoi choisit-il le pastel ?

Il lui permet notamment de saisir ce qu’il appelle le « sel de l’esprit ». La peinture à l’huile impose au modèle un temps de pose long, où l’on s’ennuie. Au pastel, on peut saisir l’expression de vie des visages rapidement. La Tour le fait d’autant mieux qu’il a le don de la parole : il raconte sa vie, ce qu’il voit à la cour de Versailles, si bien que les modèles conservent leur naturel et leur vivacité dans le regard.

Comment son style évolue-t-il au fil du temps ?

La Tour emploie d’abord une technique illusionniste, fondant la matière pour retrouver le ton exact des carnations et donnant l’idée de certains accessoires. Ainsi, lorsqu’il dessine une dentelle, on ne peut identifier son point : ce sont des accents graphiques qui donnent le sentiment de cette dentelle. Mais quand il commence à réaliser ses très grands portraits, comme celui du président de Rieux ou de Madame de Pompadour, il manifeste une volonté de se rapprocher de la réalité, avec une précision extraordinaire dans le rendu et la description de l’accessoire. Pour les carnations, il recourt à une touche heurtée. C’est l’œil qui, à une certaine distance, crée une uniformité dans ce qui est une succession de points et d’accents. Il utilise particulièrement cette touche pour les portraits d’hommes ou de femmes de caractère ou d’intellect. Celles qui se contentent d’être jolies sont représentées avec une matière plus fondue. Mais La Tour ne gomme pas pour autant leurs défauts physiques. Il ne flatte pas.

À LIRE
Maurice Quentin de La Tour. L’Œil absolu, Xavier Salmon,
Cohen & Cohen éditeurs, 500 p., ill., 160 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°777 du 1 juillet 2024, avec le titre suivant : Xavier Salmon : « Quentin de La Tour a le secret de saisir l’étincelle de la vie »

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