Documentaire - Le Siècle de Sabine Weiss appartient à ce type de documentaire de moins d’une heure, destiné aux soirées télévisées de qualité.
S’il n’invente rien par sa forme, ce film s’avère émouvant et surtout curieusement sublimé… par la mort de son principal sujet. Camille Ménager commence à filmer Sabine Weiss en 2021. À 97 ans, la photographe profite de ses derniers jours pour revisiter son immense archive et présenter son travail dans diverses institutions qui lui rendent hommage. Elle dresse le bilan d’une carrière exemplaire et juge tout de même qu’elle a perdu trop de temps à accepter, pour de l’argent, de documenter « le monde des snobs ». Puis, un 28 décembre, Sabine Weiss ferme définitivement les yeux dans cet appartement parisien qu’elle n’a pratiquement jamais quitté. Sa vie s’arrête, mais le film, lui, n’est pas terminé. Le Siècle de Sabine Weiss va prendre une tournure originale. Puisque l’artiste n’est plus là pour écrire sa propre histoire, il revient à d’autres de choisir, parmi des milliers de clichés, ce que l’on doit montrer et ce qui doit rester dans des boîtes. Et ainsi façonner la présence de Sabine Weiss parmi les vivants. Weiss qui, dès les premiers plans, se montre particulièrement sévère avec ses photos. Elle écarte brutalement des clichés qu’elle juge inintéressants, « moche, moche, moche », répète-t-elle. Or, bien sûr, beaucoup de ces clichés méritent d’être vus et même admirés. La mort d’une artiste devient donc, paradoxalement, sinon une résurrection, du moins une redécouverte, le début d’une autre histoire. Puisqu’il n’y a plus d’après, on revient vers le passé : naissance en Suisse, arrivée à Paris et vie de bohème dans l’après-guerre avec son mari, le peintre Hugh Weiss. L’agence Rapho, son amitié avec Robert Doisneau… et surtout la photo, des images splendides de gosses de New York, le visage juvénile de Brigitte Bardot, un chat qui jaillit d’une porte parisienne, l’Inde, la zone… Camille Ménager a perdu son interlocutrice, pourtant le film ne souffre d’aucun vide. Sabine Weiss n’est plus, mais elle est encore là, par les souvenirs de ceux qui l’aimaient, mais surtout par un curieux effet de miroir. Quand on regarde ses photos, c’est aussi elle que l’on voit. Ces visages de vieillards et d’enfants, ces artistes, ces forains… tous nous racontent qui était Sabine Weiss. Peut-être qu’une vie tient à cela : au regard que l’on porte sur celle des autres.
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Vie et mort de la photographe
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°763 du 1 avril 2023, avec le titre suivant : Vie et mort de la photographe