L’historien de l’art Maurice Fréchuret s’intéresse au phénomène de la respiration et à ses représentations. De la mythologie à la médecine, de l’art pariétal à la danse contemporaine.
Dans cet ouvrage érudit au style élégant, Maurice Fréchuret explore en profondeur les représentations du souffle, de la respiration et de leurs manifestations. L’auteur ne se limite pas aux arts plastiques, mais convoque également les masques africains, les peintures pariétales et le cinéma. Chaque chapitre s’ouvre sur une ou deux citations littéraires (Le Clézio, Breton, Genet) qui donnent le ton et ouvrent des perspectives hors champ. Car le texte opère des digressions récurrentes, par exemple à propos de la tuberculose qui fut plus fréquemment représentée dans les romans que dans les tableaux au 19e siècle. En comparaison, la peste, qui touchait aussi les poumons, a donné lieu à de nombreuses œuvres d’art depuis la fin du Moyen Âge. Si certains chapitres s’attachent beaucoup aux œuvres religieuses (crucifixions, dormitions de la Vierge), l’ouvrage brasse toutes les époques de la préhistoire aux années 2020 : la conclusion évoque, sans surprise, la pandémie de Covid-19 et les œuvres chorégraphiques qu’elle a inspirées. Si l’ouvrage commence par le premier souffle, sa trame n’est pas chronologique au sens où le dernier souffle n’occupe pas le dernier chapitre : l’auteur s’attache aux différences de nature et de contexte de la respiration. Il étudie donc le souffle encombré des malades (tuberculose, asthme) avec les tableaux d’enfants alités, sujet très sensible dans les Salons du 19e siècle. Un chapitre est consacré aux représentations du vent, avec une évocation du Zéphyr mythologique repris par Botticelli, et un autre aux bulles de savon comme métaphores de la vie humaine. Ce faisant, l’auteur invite à plusieurs reprises l’œuvre de certains artistes, dont Giuseppe Penone, qui a sculpté dans la glaise son propre souffle afin de rendre visible l’acte de respirer. Sophie Calle, Bill Viola, Niki de Saint Phalle et Vito Acconci servent aussi de support à une réflexion qui fonctionne par glissements et analogies, et qui touche à des sujets tabou : la représentation de la mort, les images des chambres à gaz, l’accouchement. Sur ces sujets, l’influence de la psychanalyse se fait parfois sentir dans les références citées par Maurice Fréchuret (Freud, Didi-Huberman), mais l’usage de sources scientifiques compense ce tropisme et recadre l’enthousiasme débordant de l’auteur. Enfin, les nombreuses notes de bas de page fournissent aux lecteurs matière à approfondir leur propre réflexion sur le souffle, y compris dans le domaine médical.
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Un souffle d’inspiration
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°775 du 1 mai 2024, avec le titre suivant : Un souffle d’inspiration