Et si l’éducation artistique butait sur le dévoiement.
La lecture de tous les imposants rapports consacrés à l’éducation artistique laissait déjà peu de place à l’optimisme ; le constat est encore plus pessimiste après la lecture des quelques pages de ce nouveau pamphlet. Ne serait-il pas vain de continuer à promouvoir l’apprentissage des arts à l’école quand le rôle même de l’art dans la société semble dévoyé ? Telle est l’interrogation soulevée par Jean-Michel Djian, ancien rédacteur en chef du Monde de l’Éducation et professeur associé à l’université Paris-VIII, dans un nouvel et court opus. Si l’auteur part d’une question simple – comment amener aujourd’hui les adolescents vers l’art ? –, sa réflexion sonde finalement les rapports de la société à la création artistique. Cinquante ans après la publication de La Crise de la culture (1961) par Hannah Arendt, qui nous mettait déjà en garde contre les dangers de la massification de la culture, le constat est amer. « La France est devenue une gigantesque maison de la culture », écrit l’auteur, dénonçant le « tout-culturel » promu dans les années 1980 et ses conséquences. L’excès d’offre étouffe les velléités des non-initiés, qui manquent de repères dans ce grand maelström. « Comment dans ces conditions comprendre, saisir, apprécier, distinguer ce qui fait œuvre d’art ?, écrit Jean-Michel Djian. Par quel moyen notre curiosité va-t-elle continuer à s’exercer sans s’émousser puisqu’il n’y a pas de répit ? » À ses yeux, la majeure partie de la production artistique s’apparente aujourd’hui à un simple divertissement, orchestré comme une succession d’événements qui servent l’image de ses promoteurs. Cela depuis que la culture est devenue une affaire de professionnels qui font désormais carrière dans le secteur. « Alors on a prétendu qu’avec des équipements d’un côté et de la “com” de l’autre, on pouvait sans trop se poser de questions se régaler soi-même tout en agissant pour le bien de tous », persifle l’auteur. En acceptant de promouvoir la consommation culturelle, la société aurait renoncé à offrir la possibilité d’une vraie ren-contre avec l’art, celui qui joue sur le registre du sensible. Dans un style vif et incisif, qui force volontairement le trait pour mieux dénoncer, ce constat laisse peu de place à l’angélisme. Mais il veut aussi ouvrir de nouvelles pistes pour enclencher une dynamique inverse, en proposant notamment de réhabiliter l’esprit cri-tique. « L’idée d’aller chercher des arguments pour “déconstruire” n’était pas en soi une atteinte à la liberté de penser ou de créer, écrit Jean-Michel Djian, elle était juste une manière de se dire que rien n’est acquis, que l’ignorance est un préalable pour se mettre ou se remettre à comprendre. »
Jean-Michel Djian, Aux arts citoyens ! De l’éducation artistique en particulier, éd. Homnisphères, 90 p., 10 euros, ISBN 2-915129-38-x
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Un seul remède : l’esprit critique !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°291 du 14 novembre 2008, avec le titre suivant : Un seul remède : l’esprit critique !