Iconographie - Qui a déjà remarqué que Manet avait peint une grenouille dans l’angle inférieur gauche de son Déjeuner sur l’herbe ?
Ce petit quadrupède « tranquille et qui ne participe pas à la scène » est pourtant bien là, peint à l’instar du bouvreuil qui survole la scène ; et tant pis si « à peu près aucun historien ne [le] commente » – autrement dit : ne l’a vu. Nadeije Laneyrie-Dagen, elle, l’a vu grâce, dit-elle, à un ami peintre. L’amphibien est en quelque sorte le point de départ d’Animaux cachés, animaux secrets, essai abondamment et magnifiquement illustré dans lequel l’historienne de l’art part à la recherche des animaux sauvages et domestiqués, y compris « les bestioles », qui semblent s’être invitées dans les compositions. « Semblent » seulement, car la peinture n’est pas la photographie ; l’accident, l’imprévu n’y ont pas leur place. Lorsque Dürer grave un bouc en équilibre sur un rocher à l’arrière-plan de sa Chute de l’homme et que del Cossa peint un escargot rampant le long du cadre de son Annonciation, quel(s) message(s) veulent-ils faire passer ? Dans un texte aussi érudit que rafraîchissant, Nadeije Laneyrie-Dagen passe de l’iconologie la plus savante à l’intuition et nous invite, finalement, à regarder mieux des œuvres que l’on croit parfois connaître, comme d’autres parfaitement confidentielles… À regarder autrement, sinon, en bonne lectrice du « détail » d’Arasse, tout simplement à voir, ce que l’on ne fait plus toujours. Assurément la meilleure surprise éditoriale de cette fin d’année.
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Un manifeste pour le regard
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Abonnez-vous dès 1 €Nadeije Laneyrie-Dagen, Animaux cachés, animaux secrets, Citadelles & Mazenod, 276 p., 220 ill., 59 €
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°696 du 1 décembre 2016, avec le titre suivant : Un manifeste pour le regard