Un documentaire sur France 3 rend hommage à Jacques Jaujard (1895-1967), ange gardien des collections des Musées nationaux qu’il dirigeait.
Avec Illustre & Inconnu. Comment Jacques Jaujard a sauvé le Louvre, les réalisateurs Jean-Pierre Devillers et Pierre Pochart sortent de l’ombre Jacques Jaujard, courageux directeur des musées nationaux grâce auquel les trésors des collections publiques ont échappé à la convoitise nazie et sont sorties intacts de l’Occupation. Ce documentaire original mêle habilement photographies, documents et films d’archives, témoignages de protagonistes et de spécialistes, et dessins d’animation calqués sur des images actuelles du Louvre, pour faire revivre la figure de Jacques Jaujard dans le décor du musée. Un Mathieu Amalric solennel narre l’épopée des collections entre 1938 et 1945, tandis que Quentin Baillot prête à Jaujard sa voix, dont le timbre nasillard est en phase avec l’époque.
Chefs-d’œuvre exfiltrés
Haut fonctionnaire nommé directeur adjoint des musées nationaux en 1933, Jaujard n’attend pas les accords de Munich pour mettre à exécution un plan d’évacuation des œuvres du Musée du Louvre qu’il a longtemps mûri avec René Huyghe, conservateur en chef des peintures. « La chance a voulu qu’il y ait eu 1938 avant 1939. C’est-à-dire une répétition dans des circonstances non catastrophiques », souligne Lydie Huyghe, veuve de René et ancienne gardienne des dépôts. La véritable évacuation de tous les musées du pays, des vitraux des cathédrales, mais aussi de quelques collections privées a lieu quelques jours avant le déclenchement de la guerre. Le film retrace avec force détails ce vaste jeu de chat et de souris entre Jaujard, membre actif de la Résistance et fin calculateur, les nazis et le gouvernement de Vichy furieux de ne pouvoir mettre la main sur les chefs-d’œuvre du pays.
En 1959, fort de son succès, le directeur est nommé secrétaire général du ministère d’État chargé des Affaires culturelles, autrement dit le bras droit d’André Malraux. Celui-là même qui avait frôlé la prison ferme pour avoir arraché et volé des bas-reliefs d’un temple au Cambodge… À ce poste, Jaujard œuvrera pour l’échange de grandes expositions internationales, une activité que le documentaire a choisi d’éluder. Sous la direction de Jaujard, Tokyo, Moscou ou encore Munich ont accueilli de larges rétrospectives d’art français, et tandis que le Petit Palais à Paris faisait découvrir « Toutankhamon et son temps » à plus 1,2 million de visiteurs. Mais, lui qui avait si bien protégé la Joconde lors de la guerre n’a rien pu faire contre la décision de Malraux d’envoyer Monna Lisa aux États-Unis à la demande de Jackie Kennedy.
Le film revient enfin sur la seule chose que Jacques Jaujard n’avait pas prévue : la cruauté avec laquelle André Malraux s’est dispensé de ses services. Congédié comme un malpropre en avril 1966 avec la promesse de Malraux d’obtenir un titre honorifique, Jaujard finit par donner sa démission en avril 1967 et meurt quelques semaines plus tard, obsédé par un coup de téléphone qui n’arriva jamais.
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Un héros très discret
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Abonnez-vous dès 1 €Un film de Jean-Pierre Devillers et Pierre Pochart, Ladybirds Films avec la participation de France 3 et du Musée du Louvre, 56 min, diffusé le 31 octobre à 23h15, à revoir pendant 7 jours sur pluzz.francetv.fr
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°422 du 31 octobre 2014, avec le titre suivant : Un héros très discret