Thierry de Cordier

L'ŒIL

Le 1 mai 2003 - 351 mots

Une imposante et belle monographie consacrée à l’œuvre de Thierry de Cordier vient d’être publiée, par les éditions Ludion.
Le travail de cet artiste, né en 1954 à Renaix, en Flandre orientale et qui travaille entre Ostende et l’Auvergne est une sorte de journal intime qui se prête très bien au catalogue imprimé. Nous le suivons des vastes étendues des plages de Belgique à des lacs dans les Alpes pour nous retrouver enfermés à regarder des vues du jardin par la fenêtre de son atelier. Les dessins, les gouaches, les sculptures ne se contentent pas de donner une image ordonnée de la nature, sur du papier millimétré, sur des feuilles d’administration, ils font également songer à l’univers de Jean-Jacques Rousseau fait de promenades, de relevés, de minutes mais où l’air et la mer paraissent avoir la même densité que la pierre. Cette topographie symbolique s’exprime dans des œuvres aussi bien de dimensions intimistes que monumentales.
On feuillette des dessins au crayon, études raffinées sur les mutations d’une pomme de terre ou les métamorphoses que lui inspire une poire, puis on s’arrête sur des images de constructions gigantesques. Son Totem oiseau que l’on retrouve en sculpture, en photos, spectateur crucifié d’une nouvelle de Poe ou de Strindberg, manifeste un inquiétant pouvoir d’envoûtement. Ses sculptures, des cabanes recouvertes de tissu noir, forment d’étranges maisons, des refuges qui paraissent avoir un but pratique : une Champignonnière remplie de tout l’attirail pour cultiver des champignons de Paris, un Réservoir à vin qui peut en conserver deux cent cinquante litres, un Dortoir... Cordier semble s’essayer à dissoudre les corps simples, il veut mettre au jour une unité encore plus originelle, la materia prima dont parlent les alchimistes. Les interviews, nombreuses dans ce très beau livre, permettent d’appréhender, avec un peu plus de clarté, la destinée, la pensée, l’œuvre parfois hermétique mais toujours visionnaire de cet artiste solitaire.
Une exposition à la galerie Marian Goodman (79 rue du Temple, 75003 Paris, tél. 01 48 04 70 52) lui est consacrée du 15 mai au 30 juin.

Thierry de Cordier : fugues, éditions Ludion Gand-Amsterdam, 2003, 268 pages.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°547 du 1 mai 2003, avec le titre suivant : Thierry de Cordier

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