Une somme bien illustrée sur le grand peintre hollandais mais plus attentive aux problèmes d’attribution qu’à une relecture originale de l’œuvre.
Depuis la parution de Contre Sainte-Beuve, essai critique de Marcel Proust, la pensée contemporaine semble avoir communément admis que l’œuvre d’un créateur ne saurait s’expliquer par sa vie. Il faut que l’histoire de l’art soit une discipline bien arriérée ou Christopher Wright un auteur bien naïf pour adopter encore un de ces plans « l’homme et l’œuvre » qui fit jadis les beaux jours des petits classiques scolaires. Après un chapitre de biographie, son Rembrandt égrène un catalogue thématique comme un interminable chapelet (un chapitre sur les peintures religieuses, un sur les portraits, un sur les paysages, un chapitre « divers » intitulé « tableaux de genre et natures mortes » où défilent aussi bien le Philosophe en méditation, le Bœuf écorché du Louvre que le Jeune peintre dans son atelier de Boston). Le déterminisme biographique, quand l’auteur est amené à constater qu’il a malgré tout ses limites, ne peut que faire sourire : « Contrairement au changement visible constatable dans l’art de Rembrandt après la mort de Saskia, la crise financière de 1656 n’eut aucune répercussion sur le développement de son style [...]. Il se peut qu’il ait été moins affecté par la perte de ses biens et l’obligation de déménager dans une demeure plus petite qu’il ne l’avait été par son veuvage ». C’est bien connu, un veuvage c’est pire qu’un déménagement ! Ignorant superbement la bibliographie récente (Svetlana Alpers, L’Art de dépeindre, l’atelier de Rembrandt, Gallimard), Christopher Wright, qui en est resté à Ruskin et à Sir Kenneth Clark (dont le commentaire sur le Ganymède de Dresde est cité cinq fois), pratique à plaisir la description et la paraphrase psychologique : le Cupidon qui surmonte le lit de Danaé « a l’air d’en savoir long », « les portraits de Titus dénotent un amour paternel qui leur confère un caractère affectif très net ». Seules les questions d’attribution semblent passionner l’auteur. L’estampe est presque absente. Comment peut-on écrire une monographie de Rembrandt sans la Pièce aux cent florins, chef-d’œuvre aussi célèbre que la Ronde de Nuit ? Ce bel album ne fait honneur qu’au remarquable imprimeur de Vérone qui en a assuré la fabrication, impeccable, comme toujours chez Citadelles-Mazenod.
Christopher Wright, Rembrandt, éd. Citadelles & Mazenod, 356 p., 880 F, ISBN 2-85088-103-10.
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Rembrandt
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°516 du 1 mai 2000, avec le titre suivant : Rembrandt