Pour une archéologie du bijou

Sous des apparences sibyllines se cache un ouvrage scientifique de qualité, vulgarisation de la thèse soutenue en 2018 par Charline Coupeau. Une passionnante archéologie du bijou s’offre en effet à nous. L’auteure démultiplie les points de vue et questionne tous les champs de la connaissance afin de saisir l’essence même de ce joyau mystérieux. Il ne s’agit plus simplement de considérer le bijou comme un objet d’exaltation et de séduction, mais de l’appréhender comme un langage à part entière, qui fait sens, est lui-même sens. Artificiel certes, mais non superficiel. Et la tâche n’est pas des moindres, car cet accessoire aux multiples facettes se pare sans cesse d’ambiguïtés fascinantes. Tour à tour montré, exhibé tel un trophée, précieusement caché, ou bien alors subtilement voilé parmi les étoffes, le bijou semble se dissimuler pour mieux se dévoiler. Parcourant le XIXe siècle, du romantisme à l’Art nouveau, l’ouvrage raconte les mutations du métier de bijoutier à travers trois axes de réflexion éclairants. C’est tout d’abord un « objet d’histoires » en mouvement, reflétant les enjeux d’une époque et témoignant de ses diverses pratiques sociales. Incarnant ensuite une « parure du corps », le bijou est un vecteur de symboles foisonnants qui contribue à façonner l’image de la femme, riche, puissante, érotique, ou fatale… en témoigne l’omniprésence des manifestations littéraires et plastiques, pertinemment convoquées et finement analysées. Étude des représentations, mais aussi du « matériau de l’œuvre d’art ». Cette pierre rebelle, à l’origine indomptable, acquiert une autonomie esthétique moderne grâce aux transformations du savoir-faire artisanal. Bien qu’imposant, le caractère éclectique et pluridisciplinaire de ce livre séduira aussi bien les passionnés d’histoire, de bijouterie-joaillerie que les dix-neuvièmistes.