Picasso et le jazz. Dit comme cela, le sujet n’est pas une évidence.
Certes, le peintre espagnol a connu les belles heures syncopées du célèbre cabaret parisien le Bœuf sur le Toit, mais on sait qu’il préférait travailler seul la nuit dans son atelier plutôt que fêter les Années folles. Son « truc », c’était plutôt la musique espagnole, et encore… Alors, pourquoi une exposition sur « Les musiques de Picasso » à la Philharmonie [jusqu’au 3 janvier 2021] ? Et pourquoi celle-ci s’intéresse-t-elle à son rapport au jazz ? C’est qu’il existe une histoire d’amitié entre Picasso et le producteur de jazz américain Norman Granz. Amateur et collectionneur d’art, le créateur du label Verve découvre le travail du peintre comme la plupart des Américains à la fin des années 1930, avec l’immense retentissement de Guernica. Ce n’est pourtant qu’en 1968 que Granz finit par rencontrer l’ombrageux Andalou. Picasso est immédiatement séduit par l’esprit vif du producteur américain, et enthousiasmé par son engagement dans la lutte pour l’égalité entre les musiciens noirs et blancs aux États-Unis. Il adore également les anecdotes sur les vedettes d’Hollywood rapportées par Granz. Honneur suprême, Picasso lui ouvre donc les portes du très secret mas Notre-Dame-de-Vie, à Mougins, à une époque où les visiteurs se font de plus en plus rares. Et le producteur n’arrive jamais les mains vides. Comme d’autres apportent des fleurs, il emplit le salon de musique de madame Picasso de disques de jazz. Le peintre les écoutait-il seulement ? Rien n’est moins sûr…
Ces visites, nous les connaissons grâce à la biographie que Tad Hershorn a consacrée à Norman Granz [Norman Granz,The Man Who Used Jazz for Justice, Ed. University of California Press]. C’est aussi grâce à ses souvenirs que l’on peut imaginer la chanteuse Ella Fitzgerald s’inventer des contraintes après un légendaire concert à Juan-les-Pins pour éviter de rencontrer Picasso, qui l’attendait à l’extérieur. Pas rancunier, le peintre signera un beau dessin tout simple de la chanteuse, que Norman Granz fera imprimer en affiche au début des années 1970. C’est aussi Norman Granz qui publie une lettre ouverte dans le quotidien Le Monde pour encourager le président Pompidou à créer un Musée Picasso. C’est lui, toujours, qui, en 1973, année de la disparition du peintre, crée un nouveau label de jazz. Son nom ? Pablo Records.
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Picasso, Granz et le jazz
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°738 du 1 novembre 2020, avec le titre suivant : Picasso, Granz et le jazz