Spécialisées en archéologie, histoire et architecture, les éditions-librairie Picard poursuivent leurs activités depuis leur fondation par Alphonse Picard en 1869, résistant aux tempêtes qui secouent le marché du livre. Ou presque.
Dans le bureau de son aïeul dont le portrait est toujours accroché au mur, Guillaume Grandgeorge-Picard poursuit la tradition familiale : l’édition, la diffusion et la vente de livres anciens et d’ouvrages spécialisés en archéologie, en histoire, en histoire de l’art et en architecture. Pour être plus précis, il y est revenu après huit ans à exercer son métier d’avocat à Londres. Mais l’esprit familial a été plus fort. Il a donc repris la direction de la maison d’édition et librairie Picard il y a plus de deux ans, à la suite de sa tante, juste après le rachat par les éditions Actes Sud à la famille Picard en 2010. Fils de confiseurs, Alphonse Picard travailla comme commis libraire avant d’ouvrir sa propre maison. Dans son ancien bureau trône toujours le brevet délivré par le ministère de l’Intérieur lors de la création de ses éditions-librairie. Il en reste peu en France sur ce modèle. « Nous sommes un peu comme le dernier des Mohicans », constate Guillaume Grandgeorge-Picard. Car le rachat par la maison arlésienne n’a pas modifié la ligne éditoriale « Picard », exigeante. Comme Alphonse Picard qui, dès l’origine, publiait les ouvrages de l’École des Chartres et de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, les éditions travaillent aujourd’hui avec de prestigieuses maisons du savoir comme l’ENS, Paris-I Panthéon-Sorbonne, le CNRS et le Collège de France. « Je me rends aux soutenances de thèses, cela me permet de découvrir de nouveaux auteurs au début de leur travail d’écriture et, ainsi, de commencer une aventure avec eux », explique l’éditeur. Recherches, rencontres, découvertes : pour Guillaume Grandgeorge-Picard, qui tient au terme délicieusement désuet de « maison d’érudition », la recette n’a pas changé depuis son arrière-arrière-grand-père : « L’édition reste un métier artisanal où il faut rencontrer les auteurs, élaborer les livres et veiller à leur diffusion dans les bons réseaux. Nous faisons avant tout passer des textes, des pensées. » En tout, plus d’une vingtaine d’ouvrages sont publiés par an au sein de la maison, dans la droite lignée du fondateur. « Cela nous permet de rester identifiés, de conserver notre légitimité et la fidélité des auteurs et des lecteurs qui nous connaissent », souligne Guillaume Grandgeorge-Picard.
Internet, un atout pour l’éditeur
Côté librairie, l’offre s’est diversifiée à la suite du rachat par Actes Sud qui a entraîné le rapprochement avec la librairie Epona, autrefois située sur l’île Saint-Louis. On trouve désormais sur les rayonnages en bois des livres de design, de mode, d’arts décoratifs et les plus récents catalogues d’expositions. Sur les étagères se mêlent les dernières parutions et les livres d’occasion parmi lesquels se cache parfois la perle rare épuisée. Sur le mur de droite, les livres anciens sont protégés derrière une vitrine. « Le marché du livre ancien a été complètement bouleversé par Internet. La consultation de dizaines de catalogues de librairies a été remplacée par une recherche Web rapide et nous apporte des clients du monde entier. La grande majorité de nos ventes se fait par correspondance. » Dans l’arrière-boutique, les commandes sont préparées et emballées puis envoyées aux des États-Unis, en l’Allemagne ou au Japon. Comme ce recueil de lettres de Confucius acheté par un institut sud-coréen, prêt à partir. « La maison Picard a bénéficié d’une véritable mise en valeur sur le marché du livre ancien grâce au Web. » Avec la volonté de se concentrer désormais sur le haut de gamme, plus porteur sur un marché difficile, malgré la reprise soutenue par les ventes outre-Atlantique. Mais « depuis deux ans, la baisse des commandes publiques pèse beaucoup sur notre chiffre d’affaires. » En vitrine de la librairie, comme un clin d’œil au contexte morose, la couverture du Télérama de novembre 2011 qui titre : « La fin des librairies ? » Le numérique ? « Nous y pensons, mais cela n’a pas vraiment de sens pour nos ouvrages de grande taille et richement illustrés. Et le coût de reproduction des images pour la version numérique est bien trop élevé par rapport à la rentabilité de ce support. » Malgré une ligne éditoriale pointue, les prix parfois prohibitifs de ses livres à faible tirage – à partir de 70 euros pour un beau livre –, la concurrence des éditions des musées ou de la RMN, la maison Picard, éditeur et libraire, résiste comme le dernier village gaulois sur la place Saint-Sulpice, grâce à son exigence, à la qualité de ses ouvrages qui font la fidélité de sa clientèle et de ses auteurs. En 2014, la maison Picard fête ses 145 ans. Mais pas question « de la muséifier ». Depuis octobre 2011, des graphistes, dessinateurs, artistes ont investi la librairie pour des expositions trimestrielles pour qu’elle reste un lieu de rencontres, un lieu vivant.
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Picard, le dernier des Mohicans
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°665 du 1 février 2014, avec le titre suivant : Picard, le dernier des Mohicans